« Dans le faisceau des vivants » Valérie Zenatti en hommage à Aharon Appelfeld


L’écrivain israélien Aharon Appelfeld est mort en janvier 2018, à l’âge de 86 ans. Romancier et poète, né en Ukraine, il est considéré comme un auteur majeur de l’état juif, à l’image d’Amos Oz, tout récemment décédé. Valérie Zenatti fut sa traductrice en français, et noua avec lui un lien très fort, fait d’amitié et d’admiration. C’est ce lien qu’elle raconte avec Dans le Faisceau des vivants, petit bouquin tout de pudeur et de sentiment. 

Ce livre est en fait construit en deux parties très distinctes. La première commence avec la mort du maitre, annonce faite au moment où Valérie Zenatti s’embarque pour Tel Aviv, dans le but d’aller lui rendre visite. Choc terrible pour la jeune femme. Suivent des pages magnifiques, ponctuées de souvenirs, de leurs dialogues, et de longs passages de l’œuvre d’Appelfeld, ou de citations extraites d’émissions avec des journalistes. 

Ainsi, on apprend à mieux connaitre cet homme éclairé par un amour de la vie, lui dont l’enfance a été cabossée par la guerre, les persécutions, la mort de ses parents, la fuite dans les forêts d’Ukraine, la faim. Puis la rédemption en Israël, avec une femme, une œuvre, des enfants. Cette première partie du livre est d’une grande richesse, et s’attarde sans lourdeur sur la difficulté d’écrire sur la Shoah. De dire le Mal. 

La deuxième partie, plus sensible, relate le voyage de Valérie Zenatti à Czernowitz, là précisément où est né l’écrivain, et ses longues errances pour mieux coller aux rues, aux maisons, aux parfums, qu’a pu connaitre celui qui n’est plus. Mais qui y revient grâce à cet étonnant dédoublement de personnalité. De ces pages subtiles et nostalgiques, on retiendra une simple phrase qui résume tout « J’ai marché dans la ville d’Aharon ». Image pudique de celle qui veut porter en elle un peu de ce qu’il a porté, lui. 

Dans le Faisceau des vivants est en fait un (bel) hommage d’un écrivain à un autre, une tentative un peu folle mais attachante, pour faire revivre dans son cœur l’être disparu. Ce genre de quêtes intimes sont en général passées sous silence, mais ici, la sincérité du propos, et la sobriété de la forme, emportent l’émotion et le plaisir du lecteur. 

Didier Ters

Valérie Zenatti, Dans le faisceau des vivants, Editions de l’Olivier, janvier 2019, 150 pages, 16,50 eur

illustration : Valérie Zenatti et Aharon Appelfeld © Hannah Assouline/Opale/Editions de l’Olivier

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