Outresable, un one shot de Hugh Howey en mode Dune

Auteur plébiscité depuis l’énorme succès du cycle post’ap’ Silo, Hugh Howey sort un one shot réussi Outresable, en collection Éxofictions chez Actes Sud.

Post’ap beach, ou Dune low cost ?

Fidèle à sa matrice, Hugh Howey ne surprendra pas, de prime abord, son lectorat habituel avec Outresable. Nous comprenons vite que le monde où se situe l’action du roman, n’est en rien une planète lointaine. Les toponymes des cités des sables sont par trop familiers aussi, en un américain abâtardi, pour ne pas nous tromper dans un faux exotisme malvenu, ou pire, mal construit.

Rien de tout ceci, ici. Nous sommes sur terre, aux États-Unis, dans un futur relatif de quelques siècles, tout au plus (les artefacts et les ruines étant globalement toujours exploitables). Ou plutôt, des États-Enfouis. Car le monde est devenu un désert. Littéralement. Des centaines de mètres, des kilomètres parfois, de sable recouvrent le sol ancien. Outresable mérite son nom (plus parlant que le simple sand en v.o ; belle trouvaille du traducteur Thierry Arson).

Car, d’aussi loin que se souviennent les habitants des deux centres de (sur)vies Springston et Lowpub, la population s’accroche aux dunes depuis lurette. En mode hard. En effet, face à l’âpreté du désert, à l’inexorable mouvance des sables, l’adaptation a une nouvelle fois joué, sur le mode darwinisme séculaire. Les plus forts et les plus malins survivent, les autres se noient, s’enfoncent plutôt. Récup’ technologique et chasse à l’eau, au centre du modèle.

illustration de Eduardo Pena d’après le Dune de Franck Herbert via devianart

En quête de la cité mythique

Au milieu de ce quasi no’man’s land, une famille tente de surnager. De ne pas se perdre plus. Avec deux quêtes pour le prix d’une. Celle du père, parti il y a 15 ans de l’autre côté de la faille, dans le désert d’où nul n’est revenu, abandonnant femme et enfants (une fratrie de 3 frères et une sœur) ; celle de Danvar (sibylline dEnver), la métropole enfouie, que certains plongeurs des sables certifient exister. Une mine de ressources qui assurerait richesse, renommée à son découvreur, espoir à la communauté, mais attirerait sans coup férir, convoitise et chaos.

Vic, la sœur aînée, Palmer le cadet, sont devenus plongeurs de sable. Comme leur père. Un ancien seigneur déchu. En combinaison, le flux d’onde repousse la friction et permet au nageur de glisser dans la masse sableuse. C’est ainsi que les académies forment ceux aptes à explorer le sous-monde. Celui des grattessol, ces anciens grattes-ciel de la sky line que la fière Amérique croyait éternels. La maîtrise psychologique face à la peur panique de la suffocation, la pression des sables dans les abysses, la fragilité des pièces des équipements face aux débris : tout concoure à rendre le plongeur rare et recherché.

Cependant les ressorts affectifs de la famille ne sont pas plus simples dans ce futur que de nos jours. Pour une famille dysfonctionnelle et traumatisée qui plus est ! Pas plus simples non plus, les fils du destin du monde, Outresable. Entre non-dits, rancœurs et traditions, les oppositions peuvent être frontales avant que solidarité et courage imposent de douloureuses retrouvailles. À moins d’être englouti avant…

Une guerre sournoise

Cependant, depuis des décennies, les rivalités entre seigneurs des cités, fragilisent la survie même. Des bombes fauchent aveuglément les rues, les accès aux rares puits. Et toutes les zones transpirent la folie. Ville basse, périphérie canaille et son mythique lieu de plaisir « le puits au miel » propriété de la mère, passée de maquerelle à mère des prostituées à la grande honte de ses enfants. De vic surtout. Mais aussi des deux benjamins Rob’ le bidouilleur et Conner, portrait craché du père, rédempteur futur.

Mais qu’attendre de plus d’un monde où, chaque jour, les plus démunis consolident sans cesse leurs abris envahis par les vagues de sables. Où les corvées d’eau accaparent les plus jeunes ou les sans grades. Où bidonville, la suburb’ de Springston est sous la menace directe des grandes dunes. Très loin de l’abri du Mur, qui protège nantis et seigneurs dans la ville haute.

Mirages et espoirs

Alors quand Palmer survit in extremis à la quête de Danvar, Vic l’épaule pour fuir les pirates et tenter de sauver ce qui peut l’être encore. Car au loin, le tonnerre qui gronde se rapproche et le lien entre le chaos ici et l’horreur là-bas augmentent l’urgence du sauvetage des siens.

D’autant que Conner et Rob’ recueillent au bord de la faille une fillette moribonde porteuse d’un message du père..Une sœur inespérée ou un mauvais augure ? La menace qui pèse sur Outresableest plus grande que les vagues de sables, plus puissante encore que les forces enfouies qui dorment sous les dunes. Le monde qui a survécu au loin est toujours là, destructeur et il vient achever le travail de chaos entamé sur la planète il y a longtemps. Ils croyaient vivre le pire, ils découvrent que plus d’horreur est possible !

Une excellente série B

Alors oui, ne boudons pas notre plaisir. Outresable est une réussite, en mode série B, mais de l’excellente série B ! Certes, au début, l’impression de roman ado post’ap’ et survival, couplé à un background à la Dune, fait craindre le pire. Mais ce n’est ni Hunger Games ni le planet opera magistral de Franck Herbert. Et l’impression low cost initiale, est vite balayée par la parfaite imbrication des personnages face au storytelling manigancé par Hugh Howey.

Et peu importe les origines de ce monde de désastre et de poussières, cette mode abusive des adeptes de la cli’fi (climatic Fiction), souvent Young Adult, qui a fleuri dans les catalogues des éditeurs jeunesse et adulte (rien ne vaut La Route de Cormac McCarthy à mon sens, cf la bande-annonce du film ci-dessous).

Un planet opera pop et light

Si Outresable est crédible, c’est par la trame qui sous-tend le récit. La tension et les rebondissements constants et si bien intriqués que l’on se surprend très vite à “plonger” dans le roman pour connaître les différentes pistes narratives. On surfe littéralement dans ce monde, comme les sArfers du livre, magnifique trouvaille de l’auteur (parmi d’autres !), qui, sur leurs planches ou leurs cata’s, dévalent sur la surface du monde.

En son temps, JeanClaude Dunyach en France avait remporté le prix Rosny Aîné 1984 de la Science-Fiction française avec sa nouvelle “les nageurs de sable“. Superbe immersion déjà dans une écologie autre du désert, où l’homme ancien frôle la folie mais où le nouveau se transforme.

illustration de gilles Francescano pour la réédition chez l’Atalante

Outresable, à sa façon, moins littéraire et poétique sans doute que Dune et Dun(e)yach, réussit pourtant haut la main le pari d’un voyage et d’une aventure immersive et captivante. Et au bout de 400 pages, on en aurait même demandé plus… dans une suite peut-être ?

Révérence et chapeau bas !

Marc-Olivier Amblard

Hugh Howey, Outresable, Actes Sud, « Éxofictions », janvier 2019, 22,80 eur

En attendant le nouveau projet d’adaptation de Dune par Denis Villeneuve pour Legendary Pictures, explorez le mythe du film version Jodorowsky avec Moebius, Giger, O’Bannon, Chris Foss, Pink Floyd, Magma etc…était visible en catch up tv sur Arte.tv jusqu’au 1er mars ! Trop tard pour les retardataires donc !

À découvrir aussi le site de l’artiste Jeremy Geddes à qui l’on doit la magnifique illustration de couverture choisie par la collection Éxofictions d’Actes Sud et plus particulièrement la série de peintures baptisée Transcient !

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