Devolution : le post-apo violent et bourrin de Rick Remender !
Ayant mis fin à sa collaboration avec Marvel, Rick Remender peut reprendre l’écriture d’histoire plus personnelles. Comme ce Devolution, que le scénariste imagine dès 2005, au début de sa carrière. L’occasion pour lui de signer une relecture bourrine et grindhouse du genre post-apocalyptique. Sale gosse, va !
Dans le futur l’humanité est arrivée à la conclusion que les guerres qui ravagent la planète ont pour origine les religions. Des scientifiques sont chargé de créer un virus neutralisant la partie du cerveau associée à la foi. Malheureusement, les DVO-8 échappe rapidement à tout contrôle. Ses effets secondaires inattendus entraînent une regression spectaculaire de l’être humain. En moins d’un an, la « dévolution » touche toute forme de vie et la grande majorité de l’humanité a regressé au stade du néandertalien. Seule une poignée d’hommes et de femmes ont gardé leurs facultés intellectuelles. La fille d’un des scientifiques à l’origine du virus, Raja, croit savoir où se trouve l’antidote à la Dévolution…
Tiens, tiens, voilà du bourrin…
N’attendez pas de Devolution la moindre subtilité. Rick Remender écrit un récit en mode sale gosse, la morve au nez, et avec l’envie manifeste de tout défoncer. Devolution fait preuve d’une hargne jouissive car toujours traîtée sur le mode du grotesque. N’y cherchez pas de personnages censés, hormis Raja : le pitch de départ justifie tous les débordements. Raja s’évade d’une poche de résistants ? Cela finit par une course-poursuite sanglante et explosive. Elle et ses compagnons d’infortune traversent une zone désolée ? Ils finiront traqués par des araignées géantes, genre hautes comme des immeubles ! Remender conclue son intrigue par une pirouette grossière sans que cela ne choque le moins du monde. Et les dernières cases offrent une chute que n’auraient pas renié Les Contes de la Crypte…
Des inspirations cinématographiques
Au-delà du récit survitaminé qu’est Devolution, Rick Remender en profite pour rendre hommage en citant plus ou moins directement les classiques du genre post-apo. Le traitement violent et parfois sexuel tout en outrance de Devolution rappellera de bon souvenirs aux amateurs de grindhouse. Quand une bombe explose, elle ravage un bâtiment entier ; quand deux survivalistes baisouillent, c’est avec des gros plans sans gêne sur monsieur qui tripote les seins de mademoiselle. Mieux : certains éléments de l’intrigue semblent repris directement de certains fleurons du genre post-apo. Devolution emprunte au dernier Mad Max : Fury Road son univers en déliquescence et son scénario en ligne droite (sans le demi-tour, cependant). Le dernier bastion de l’humanité rappelle le fort de La Planète des Singes : Suprématie. On y retrouve le même tyran pervers et pour le coup néonazi. Les insectes géants rapellent quant à eux les films du genre Quand les monstres attaquent la ville… Même la fin de Devolution fleure bon La Quatrième Dimension avec une chute cynique à souhait.
Les amateurs du Rick Remender subtil déchanteront. Les autres se satisferont d’un récit complet qui sait ménager son rythme fulgurant et son côté sale gosse. Dommage que le concept d’humanité ayant régressée ne soit pas plus utilisée que cela et que la fin soit un peu expédiée. On aurait bien foulé plus longtemps cette vision noire et crasseuse de la planète (plus si) bleue.
Stéphane Le Troëdec
Rick Remender (scénario), Jonathan Wayshak (dessin), Devolution, Glénat Comics, septembre 2018, 176 pages, 17,50 euros