Tant qu’il reste des îles, le roman d’un insulaire

Être un insulaire relève d’un état esprit à part, et seul un amoureux des îles peut en parler avec délicatesse et de sincérité. Ce que fait la beauté du roman de Martin Dumont, Tant qu’il y aura des îles. Il fait voyager son lecteur mais aussi nous effraie face à l’inexorable avancée de la « civilisation », même dans les lieux isolés et préservés.

un pont de trop

[…] tu te rends compte de ce qu’on est en train de vivre ? Il fixait la plateforme qui s’éloignait dans le sillage du ferry. Quoi ? la construction d’un pont ? Il a souri tristement en détournant les yeux. Non, les derniers jours d’une île…

Léni est tiraillé entre sa vie sur l’île et sa femme dont il est séparé. Elle est restée sur le continent avec leur fille. Mais ce qui parait le troubler davantage est la construction d’un pont qui va relier son île au continent. La population est également partagée, voire divisée. Il y a ceux qui l’approuve pour profiter d’un élan de modernité. Les détracteurs attristés craignant que leur vie se rapproche du tourisme de masse et ainsi perdre leur quiétude.

Léni travaille sur l’unique chantier naval qui est en perdition, un peu comme sa vie personnelle. La difficulté d’exprimer ses sentiments intimes a surement causé l’échec de son couple. Avec la rencontre de Chloé, jeune écrivain et photographe venue couvrir la construction du pont, va-t-il pâtir à nouveau des mêmes erreurs ?

un changement irréversible

La nuit parfois je vole. J’ai froid mais ça n’a pas d’importance ? Je ne sais pas ce qui me guide. Le besoin d’être seul, je crois.

Martin Dumont nous berce dans un récit sensible, empreint de tolérance. Une vie simple, bouleversée par le cataclysme d’un changement irréversible. Il nous parle de conflits à la fois sociaux mais aussi sentimentaux avec beaucoup de justesse. Et même si le rythme de son récit est assez lent, parsemé de quelques vagues qui déferlent gentiment, c’est sans aucun doute démontrer celui d’une île, bien différent de celui du continent. On y prend goût et on suit l’aventure de l’île, de sa population et des déchirements d’une telle situation.

Martin Dumont a su rendre, dans son très beau Tant qu’il y aura des îles, ce sentiment que connaissent tous les insulaires quand leur particularité — isolement créant la distance sas l’éloignement tout à fait —, l’émotion d’être attaché à un territoire si particulier qu’est l’île.

Xavier de La Verrie

Martin Dumont, Tant qu’il y aura des îles, Delcourt, « Les Avrils », janvier 2021, 240 pages, 18 eur

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