Motorgirl : traiter du syndrome post-traumatique dans les comics

Avec Motorgirl, Terry Moore nous embarque dans un récit de prime abord drôle et loufoque à base d’extra-terrestres rigolos et de gorille imaginaire. Mais sous le récit se cache la psychée fracturée de l’héroïne. Un portrait terriblement efficace d’une femme guerrière brisée.

 

 

Avant, Samantha était militaire en Irak. Mais plusieurs attentats à la bombe et plusieurs mois passés entre les mains de terroristes l’ont brisé.
Aujourd’hui, Samantha vit retirée dans un bled paumé dans le désert américain et travaille dans une casse auto. Son seul ami est un immense gorille imaginaire de plus de 2 mètres de haut. La jeune femme vivote au grès de ses réparations de moteurs. Mais deux évènements viennent bousculer la vie paisible de Samantha : la casse auto risque d’être racheté par un mystérieux investisseur… Et une soucoupe volante s’écrase sur son perron…

 

 

Terry Moore change de genre

Si le nom de Terry Moore vous dit quelque chose, c’est peut-être parce que vous avez déjà lu Strangers in Paradise, le chef d’œuvre de l’artiste, figure de proue de la bande dessinée américain indépendante. Ces dernières années, Moore s’est essayé au genre horrifique avec Rachel Rising. Deux séries disponibles aux éditions Delcourt que je vous invite à découvrir rapidement. Avec Motorgirl, Terry Moore s’attaque à un autre sujet : raconter les dégâts que la Guerre peut causer chez celles et ceux qui la font. Sans patriotisme ni compassion dégoulinante, et en mettant (toujours) l’humain en avant.

 

 

Un sujet délicat et inhabituel abordé de manière subtile

Il y a deux manières de lire Motorgirl. La première consiste à aborder ce comics au 1er degré et l’intrigue fonctionne assez bien, propulsée par un duo étonnant et attachant (Samantha et son gorille) mais surtout une intrigue loufoque et non-sensique. Toute la partie avec les extra-terrestres, par exemple est drôle et absurde. Et puis à un moment précis de Motorgirl, Terry Moore opère un petit décalage, revient sur le passé de Samantha en Irak. Soudain, l’histoire qui paraissait loufoque prend sens, trouve une explication. L’originalité se heurte violemment à la réalité. Nous sommes Samantha et nous prenons de plein fouet la nouvelle, comme Samantha prise dans les bombes en Irak. Moment absolument magique. Le tout avec une bonne dose de tendresse comme seul Terry Moore en a le secret. On referme Motorgirl la boule au ventre mais avec une seule envie : relire cet ouvrage précieux.

 

Stéphane Le Troëdec

 

Terry Moore (scénario et dessin), Motorgirl (omnibus), Delcourt, « Contrebande », septembre 2018, 224 pages, 19,99 euros

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