« Les prénoms épicènes » dernière nouvelle d’Amélie Nothomb

Ce qu’il y a de bien avec Amélie Nothomb, c’est qu’on apprend un mot tous les ans. Cette année, c’est épicène, forcément le prénom improbable du personnage principal de son roman Les Prénoms épicènes, succès de cette rentrée littéraire, par entrisme journalistique. Epicène, donc, est un mot non affecté d’un genre particulier, aussi bien masculin que féminin, comme Claude, Dominique, Camille. Et ce sera le seul intérêt de cette petite nouvelle hissée au forceps au rang de roman…

 

Fille de Claude et Dominique — qui sont deux prénoms épicènes, donc —, Epicène est adorée par sa mère et haïe par son père. Pourquoi ce rejet ? Il voulait absolument un enfant, au point d’aller contre la nature de son corps à elle qui n’en voulait pas. Et puis l’enfant paraît, aussi belle que sa mère, et soudain le père se détourne, et jamais ne montrera autre chose que de l’agacement. En retour, Epicène va détester son père, d’une haine plus forte parce que réfléchie structurée, nourrie, alors que le père n’a qu’une haine primaire.

Après donc un roman assez réussi sur la relation mère-fille, Frappe-toi le coeur, voici qu’elle recycle l’idée pour la relation père-fille. Mais quel néant, quelle inutilité, quelle stupidité que ce roman ! Les personnages sont des archétypes nothombiens et, comme l’on dit au théâtre, des emplois. Les lieux et les signes sociaux sont caricaturaux, grande bourgeoisies contre banlieue, beaux quartiers parisiens contre province… L’intrigue, quant à elle, pour étique qu’elle soit, est une manière de fil qui se tend vers la seule petite pirouette de la révélation, d’une telle médiocrité qu’on termine cette lecture, fort heureusement rapide, d’un soupir : à quoi bon ? Quel édifice creux pour un si petit drame et une vengeance (car oui, il y a de la vengeance !) qui est si tellement très loin des Diaboliques de Barbey d’Aurevilly que Les Prénoms épicènes passe pour un petit devoir scolaire mal fichu et, notons-le, passable.

Les Prénoms épicènes est une nouvelle autour d’une petite idée étirée au possible pour atteindre le format minimal d’un Nothomb. On s’y ennuie. Il serait temps qu’elle se décide à retravailler un peu… Et si la surcharge médiatique vous invite à lire un Nothomb, pour faire comme tout le monde, lisez Hygiène de l’assassin, un vrai livre…

 

 

Loïc Di Stefano

Amélie Nothomb, Les Prénoms épicènes, Albin Michel, août 2018, 155 pages, 17,50 euros

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