« Tout l’argent du monde » de Ridley Scott  en Blu-ray

Séance de rattrapage pour ceux qui auraient raté en salles Tout l’argent du monde, le dernier Ridley Scott, et ils sont malheureusement nombreux. Pourquoi un tel échec commercial, alors que ce thriller est une réussite et qu’on ne s’y ennuie pas une seule seconde ? Sans doute à cause d’un sujet trop sombre : en 1973, le kidnapping, par la mafia italienne, du petit-fils du milliardaire Paul Getty et le refus de ce dernier de payer la rançon. Alors, certes, il y a des moments durs dans ce film, mais pas plus que dans n’importe quel polar. De plus, le regard de Scott n’est jamais sadique ou complaisant : c’est celui d’un moraliste qui condamne ouvertement ce qu’il montre. 

L’un des sujets centraux de la filmographie de Scott, provenant sans doute de ses origines britanniques, est la lutte des classes entre le prolétariat et les classes supérieures : que l’on songe au roturier Gabriel Féraud qui persécute le noble Armand D’Hubert dans Duellistes, aux mécaniciens d’Alien qui passent leur temps à râler contre « la Compagnie », aux Réplicants de Blade Runner, au bord de la clochardisation, quand l’élite règne au sommet de pyramides high tech, ou bien encore au roturier génois Christophe Colomb qui, dans 1492, est rejeté par la noblesse espagnole. 

 

Andrea Piedimonte, Michelle Williams et Mak Wahlberg

 

Jamais film de Scott n’est allé plus loin dans cette tragédie de la lutte des classes que Tout l’argent du monde. Car ici, en effet, c’est bien l’écart gigantesque, totalement indécent, entre la fortune de Getty et la pauvreté de la population calabraise, dont sont issus les kidnappeurs, qui provoque l’envie, la jalousie, la haine, et l’envie irrépressible que « l’argent change de mains ». Film quasi marxiste (autre raison de son échec ?) en ce qu’il étudie en détail tous les aspects destructeurs de l’argent, aussi bien chez Getty, rongé par l’avarice, que chez les pauvres, basculant dans le crime sordide pour en posséder.

Piégé au cœur de cette toile d’araignée, le personnage de la mère, superbement incarné par Michelle Williams, est le seul à être décent, à être désintéressé, et sa lutte inégale contre le pouvoir et la corruption des hommes rappelle bien d’autres héroïnes de Scott, à commencer par Thelma et Louise.

 

Christopher Plummer

 

C’est cette lutte qui a intéressé le moraliste Scott et l’on sent, derrière la sophistication de son style, une douleur rentrée qui fait tout l’intérêt du film. La douleur des innocents. Le vrai talent de ce cinéaste, c’est par exemple de nous remuer avec la mort violente d’un personnage secondaire, Francesca, l’aide de camp des ravisseurs calabrais, pourtant entraperçu quelques secondes…

La qualité d’image de ce blu-ray édité par Metropolitan Filmexport permet de scruter en détail l’incroyable précision de la mise en scène de Scott, aussi bien dans la reconstitution des années soixante-dix que dans la direction d’acteurs, donnant à voir tout un éventail humain. 

Dépeindre la société dans ses moindres recoins a toujours été le credo de l’auteur de Blade Runner.

 

Claude Monnier

 

Blu-ray Tout l’argent du monde (All The Money in the World) de Ridley Scott avec Mark Wahlberg, Michelle Williams, Christopher Plummer et Romain Duris. Editeur : Metropolitan Filmexport, zone B, format 2,40 : 1, HD. Durée : 2 h 15. Suppléments (VOST) : scènes coupées + making of en trois parties : les acteurs ; nouvel acteur, nouveau tournage ; un thriller historique.

Remerciements à Nicolas Rioult et Frédéric Albert Lévy

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