À propos d’un pléonasme redondant et répétitif

À propos d’un pléonasme redondant et répétitif

C’est d’une faute extrêmement répandue dont nous allons parler aujourd’hui. 

Laquelle ? 

Celle que nous venons de commettre à l’instant. Car il eût fallu dire : c’est d’une faute extrêmement répandue que nous allons parler aujourd’hui.

Mais, que voulez-vous ? le gang des demi-habiles a encore frappé.

Au départ, les choses sont extrêmement simples. On dit : C’est le livre que je t’ai conseillé exactement comme on dirait : Voici le livre que je t’ai conseillé. L’affaire se complique légèrement, mais très légèrement seulement, quand le verbe se construit, non pas avec un complément d’objet direct, mais avec un complément d’objet indirect : Voici le livre dont je t’ai parlé. C’est le livre dont je t’ai parlé.

Game over ? Pas tout à fait. La construction « c’est… que… », plus fréquente que toutes les autres, s’est tellement inscrite dans les esprits qu’on a fini par l’utiliser comme une forme présentative figée et passe-partout ‒ c’est d’ailleurs ce qu’on appelle un gallicisme. On se borne donc à reprendre, en les inversant, mais sans rien ajouter si ce n’est précisément cette forme présentative, les termes de la proposition affirmative simple. Je t’ai parlé de ce livre. De ce livre je t’ai parlé. C’est de ce livre que je t’ai parlé.

Seulement, le redoutable gang des demi-habiles a voulu jouer les prolongations et appliquer la politique Monoprix « deux pour le prix d’un » : *C’est de ce livre dont je t’ai parlé. *C’est de cela dont il s’agit. Horreur ! Vade retro, Satana ! Françoise Hardy a expliqué que, un demi-siècle plus tard, elle est encore rouge de honte à l’idée qu’elle a pu faire un tube avec une chanson qui disait : « C’est à l’amour auquel je pense », alors que c’était à l’amour qu’elle pensait…

On trouvera, sur le même modèle affligeant : *De cette affaire, on en a beaucoup parlé, quand la logique voudrait, ou bien : Cette affaire, on en a beaucoup parlé, ou bien : De cette affaire, on a beaucoup parlé.

La vérité oblige à dire que les constructions de ce type étaient monnaie courante en grec ancien. Elles étaient même jugées plus correctes et plus élégantes que celles qui obéissaient à la logique stricte. Mais il n’est pas sûr que ce soit de cette référence que tiennent compte les gens qui disent et redisent en croyant bien faire : *C’est de cela dont il faut tenir compte.

Morale de cette histoire ? L’évolution d’une langue dans la bouche du bon peuple obéit en fait à deux principes totalement contradictoires, un principe de simplification abusive (*le livre que je me souviens) et un autre, clairement shadokien, de complication gratuite. *C’est de ce second principe dont il faudrait évidemment se passer.

Évidemment, on pourra toujours se consoler en pensant que les Espagnols disent trois fois la même chose quand, pour dire d’où, ils disent de donde. En latin, unde voulait déjà dire d’où. Quand les Espagnols disent donde pour dire où, ils disent en fait de d’où. De donde (en français, d’où) signifie donc à proprement parler de de d’où. Mais, comme disait Frank Sinatra ‒ ou quelqu’un d’autre ‒, I do bidoo bidoo.

FAL

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