J’ai tant vu le soleil, Emmanuel de Waresquiel parle de Stendhal

Emmanuel de Waresquiel est un historien spécialiste du XIXe siècle. Ses livres affichent une connaissance encyclopédique de l’Empire et de la Restauration, de sorte que Talleyrand et Louis XVIII n’ont plus aucun secret pour lui. Et puis, un jour, entre deux bouquins sur Fouché ou le comte de Chambord, voilà qu’il s’est pris d’amitié pour une autre figure de ce siècle tant étudié, Stendhal. D’où a suivi ce petit livre, J’ai tant vu le soleil, joli titre tiré d’une confidence de l’écrivain après des années en Italie. 

Stendhal selon mon cœur

Loin de vouloir rivaliser avec les nombreuses biographies de Stendhal, encore moins avec les multiples exégètes de son œuvre, l’auteur se situe à l’opposé de l’ennuyeuse thèse universitaire, et laisse tout simplement parler son cœur. Grâce à quoi le lecteur accompagne Stendhal dans ses voyages, ses amours, ses déceptions, et tout au long de sa vie. Emmanuel de Waresquiel se soucie moins de nous apprendre tout ce que l’on ne sait pas de la Chartreuse, et du Rouge, mais s’efforce de nous faire comprendre la personnalité d’un homme complexe, pour l’aimer, tout simplement. 

Reste que l’on apprend quand même beaucoup sur la vie tumultueuse de Stendhal, sa jeunesse malheureuse, détestant son père et sa ville natale, Grenoble, observateur des batailles de Napoléon, auxquelles il prend part comme officier, amoureux transi de fort belles dames, mais souvent en pure perte, consul à l’étranger où il s’ennuie beaucoup, mais surtout écrivant inlassablement, son journal, des romans, des contes, des essais. 

Emmanuel de Waresquiel n’en tient ni le compte, ni le palmarès ; tout le monde sait que l’œuvre de Stendhal est abondante, diverse, inégale, mais ses héros ont tout de même largement habité la postérité, bien au-delà de l’année 1900, date butoir que Stendhal avait fixé pour espérer y être « encore » lu. Sur ce point, l’auteur n’évite évidemment pas le parallèle facile entre Fabrice del Dongo et l’écrivain, pas plus qu’entre ledit Fabrice et son lointain successeur, Angelo, hussard perché sur un toit par Jean Giono. 

une promenade stendhalienne

Il y a mieux. C’est ce plaisir que montre l’auteur parler de son sujet, et à nous faire partager l’affection qu’il lui porte, connaissant ses défauts, ne les oubliant pas, mais s’en rapprochant peut-être plus encore de ce fait, tant il est vrai que les faiblesses des autres, même des « grands », nous les rendent plus accessibles. Voire plus sympathiques…. 

Donc, ce livre est une contribution très personnelle et très sensible à l’étude de Stendhal, qui respecte, certes, la réalité historique, mais se promène surtout dans la vie intime d’un cœur souvent blessé. Et chemin faisant, nous entraine avec Stendhal dans les dérives de l’Empire, les affres d’une royauté qu’il exècre, et les mille soubresauts d’un siècle douloureux, qui fut celui des grands Romantiques… 

Didier Ters

Emmanuel de Waresquiel, J’ai tant vu le soleil, Gallimard, mars 2020, 120 pages, 13 eur

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