L’incident d’Helsinki, manipulations

Un temps éditrice, Anna Pitoniak a publié quatre romans, L’incident d’Helsinki étant son premier traduit en français, à la Série noire de surcroit. Comme l’autrice est une inconnue chez nous, passons maintenant à l’histoire.

De Rome à Helsinki

C’est l’été à Rome et quelqu’un veut entrer à l’ambassade américaine.

” Ce n’était pas raisonnable de rester debout sous un soleil brûlant de juillet, à Rome. Semonov faisait les cents pas en s’épongeant le front avec un mouchoir imbibé de sueur. Il aurait dû imiter les Romains, qui échappent à la fournaise estivale en s’arrêtant chez Giolitti pour manger une glace, en s’offrant une sieste dans une chambre aux volets fermés, ou en quittant carrément la ville pour rejoindre les collines de l’Ombrie où souffle une douce brise. Mais Konstantin Nikolaievitch Semonov n’était pas à supplier qu’on le laisse entrer dans l’ambassade américaine, en répétant qu’il avait d’importantes informations à communiquer, parce que c’était quelqu’un de raisonnable.”

Amanda Cole, agente de la CIA, reçoit ce Semonov, un agent du GRU pris de scrupules. Il l’avertit que le sénateur Vogel va être assassiné au Caire. Cole voit son chef de poste. Il peine à croire à la véracité de ce renseignement. Mais Vogel meurt au Caire. Cole est alors remarquée à Langley. Elle finit par mettre la main sur des documents possédés par Vogel. Ce dernier était en lien avec un oligarque russe et avait rassemblé des preuves démontrant comment Moscou parvenait à manipuler les cours de certaines entreprises, un bon moyen pour faire pression sur leurs dirigeants. Mais Vogel dans ces documents déclarait se méfier de Charlie Cole, le père d’Amanda, lui aussi à la CIA. Est-il un agent double ? Plus l’histoire avance, plus Amanda va se retrouver devant un dilemme quasi-cornélien. Trente ans avant, quelque chose s’est passé à Helsinki…

Un premier roman d’espionnage réussi

Anna Pitoniak revendique l’influence de Graham Greene et de John Le Carré : pourquoi pas ? L’incident d’Helsinki est un roman prenant, totalement dans l’air du temps par sa description des manipulations russes ignorées du grand public : c’est son droit, on verra un jour le résultat. L’intrigue de L’incident d’Helsinki est bien menée, avec un zeste de problèmes familiaux dont Amanda Cole est le produit. Efficace à défaut d’être génial. C’est déjà beaucoup.

Sylvain Bonnet

Anna Pitoniak, L’incident d’Helsinki, traduit de l’anglais par Jean Esch, Gallimard « Série noire », septembre 2025, 432 pages, 21 euros

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