La marche, l’horreur en pleine Bérezina


Un soupçon d’histoire, un torrent de cruauté humaine

« On est dans une situation où les faibles sont un poids mort pour le groupe. Y a pas de place pour eux. »

Quel contraste de style et d’époque saisissant entre La Marche et le premier roman d’Anne-Laure Reboul, La Tomate, récit d’anticipation très remarqué en 2018 ! Associée à par Régis Penet, qui a déjà sévit à de nombreuses reprises dans l’univers de la bande dessinée, elle regarde de près la vie de quelques rescapés de la terrible bataille de la Berezina, où l’Empereur Napoléon connut sa plus terrible défaite.

Huit clos angoissant et tragique

Russie, 1812, un groupe d’hommes et de femmes se retrouvent en plein hiver à devoir traverser le pays vers la France, ou en tout cas un pays moins hostile à leur égard, en passant par des chemins détournés pour éviter l’armée.

Le froid et la neige comme principales épreuves à leur avancée, si ce n’était les calèches et ensuite les chevaux ou encore les plus faibles qui s’épuisent, s’effondrent et réduisent la cadence du groupe.

Viennent ensuite les problèmes de nourriture qui manquent cruellement et même les fusils ne suffisent plus à dénicher les quelques animaux qui n’hibernent pas. C’est une agonie à petit feu, le groupe se réduit et la meute de loups qui les suivent à la trace sont prêts à les cerner ou à profiter des cadavres laissés sous un simple édredon de neige sans moyen de leur offrir une sépulture humaine.

Les chances de survie se font de plus en plus mince et ce n’est pas le peu d’humanité qui a disparu depuis quelques jours ou semaine qui va permettre à la poignée de survivants d’être associés pour combattre cette marche.

On espère une fin heureuse mais il faudra ouvrir le livre pour savoir qui survivra à cette quête de l’impossible.

Dans le pur style de Servais

Dans un style qui nous fait revivre les années 80 du grand Jean-Paul Servais avec de très belles études de personnages, des regards qui témoignent du drame qu’ils subissent et qu’ils éprouvent. Régis Penet nous dévoile un rendu singulier entre la linéarité des étendues enneigées et quelques bosquets de bouleaux qui s’interposent comme autant d’obstacles infranchissables.

Cette fresque historique en noir et blanc nous montre la cruauté de l’Homme dès qu’il doit défendre sa peau, plus rien n’a d’importance. Les auteurs nous montrent les capacités insondables de l’homme quand ils sont soumis à des épreuves de force, que ce soit l’isolement, la faim qui tenaille les corps, le climat hivernal sans limites. Cependant ce sera l’égoïsme, la cruauté humaine qui entrainera ces rescapés vers une mort certaine, une marche qui parait sans espoir.


Xavier de la Verrie

Anne-Laure Reboul (scénario) , Régis Penet (dessin), La Marche, Vents d’ouest, août 2019, 120 pages, 22 eur

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