Nez-de-cuir, triste chose que l’amour…

Le choix d’un scénariste confirmé

Qui ne connaît pas Jean Dufaux parmi les amateurs de bande dessinée ? Il est surtout connu comme le scénariste de la série Murena, dessinée par Philippe Delaby, qui retrace le destin de Néron. On lui doit aussi Djinn avec la dessinatrice Ana Mirallès publiée chez Dargaud comme la précédente. Récemment il a pris la suite de Jean Van Hamme sur la série Blake et Mortimer et a proposé une suite de La Marque jaune, L’onde Septimus, très controversé parmi les fans de la série (on attend la suite). Avec la complicité du dessinateur Jacques Terpant, Dufaux a déjà proposé Le chien de Dieu en 2017 chez Futuropolis qui s’inspirait de l’œuvre de Céline. Nez-de-cuir, roman de Jean de la Varende sorti en 1936 et adapté au cinéma en 1951 par Yves Allégret (et dont Truffaut voulait également tirer un film avant sa mort avec Gérard Depardieu), est un choix plutôt inattendu par son sujet (un jeune homme défiguré qui devient un don juan après les guerres napoléoniennes) : voyons donc ce qu’ils en ont fait.

L’amant monstre

Le jeune Roger de Tainchebraye est un jeune aristocrate engagé dans la cavalerie de Napoléon. Au cours de la campagne de 1814, il est blessé au visage. Défiguré et désormais dépourvu de nez, il porte désormais un masque qui, bizarrement, attire les femmes. Devenu un séducteur effréné, Roger enchaîne les maîtresses, se moquant comme d’une guigne des maris jaloux.

Un jour, alors qu’il étreint Hélène des Rieusses, la nièce de celle-ci, Judith, arrive pour les prévenir que son mari la cherche. Roger ramène Hélène en urgence tout en laissant Judith épuisée se reposer chez lui. Farouche, Judith est choquée par le cynisme dont Roger fait preuve lors de leur voyage de retour. Mais elle aussi est séduite au point de bientôt l’aimer à la folie. Quant à Roger, il tombe aussi amoureux d’elle, sentiment dont pourtant il ne veut pas : défiguré, il pense ne pas avoir droit à une vie normale. La passion consume ces deux êtres.

Et lorsqu’il lui dévoilera son visage, le drame se nouera…

© Futuropolis

Une réussite graphique

Nous n’avons pas lu le roman mais Nez-de-cuir s’avère une histoire très prenante : il s’agit ici véritablement d’une étude sur la passion amoureuse. Judith est une jeune fille qui a un idéal amoureux qu’elle incarne en Roger : elle ne pourra supporter la révélation de sa difformité. Quant à Roger, il méprise au fond toutes ses maîtresses à la recherche du frisson de l’adultère — et puis cela sent le soufre de coucher avec un monstre aux si belles manières. Le dessin de Jacques Terpent est ici un atout.

À la fois réaliste et onirique, aussi à l’aise pour peindre les duels que les moments plus intimistes, il est l’artiste idéal pour transposer cette histoire poignante dont Truffaut aurait certainement tiré un excellent film (et Depardieu aurait été parfait dans le rôle). Album recommandé.

Sylvain Bonnet

Jean Dufaux et Jacques Terpant, Nez-de-cuir, Futuropolis, août 2019, 64 pages, 14 eur

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