« Au taf », le petit monde du travail croqué par Vaïnui de Castelbajac
Après Docteur Rorschach, album consacré au petit monde de la psychanalyse dont on a pu vanter ailleurs les mérites, Vaïnui de Castelbajac revient avec ses grandes illustrations et son humour décalé et situationniste s’en prendre au monde du travail. Au taf se compose en deux parties, extraites de son travail de publication régulier en sur son site personnel : Au taf et Bêtes de travail. Tout l’univers du travail passe, du service client au meilleur employé du mois, des séminaires aux licenciements, du télétravail au harcèlement… et le tout avec un traitement farce et désopilant.
Au taf
Nous suivons les tourments et le sans gène d’un grand patron, aux allures de gentil petit pépère, mais qui s’avère être le pire roublard possible. C’est l’hypocrisie du patron qui est brocardé à la fois sans ménagement mais avec une certaine tendresse, comme si sa cruauté cachait un rien de farce. Sans la moindre once d’humanité dans le traitement de ses employés ou cadres, obnubilé par le résultat (« son rythme cardiaque suit le exactement le cours de la Bourse de sa société »…), cette caricature est si juste qu’elle en devient politique. Sur le harcèlement moral ? une affiche « pire employé du mois » ou un employé devant traverser les couloirs avec un bonnet d’âne, des casseroles et une affichette « je n’ai pas atteint mes objectifs »… C’est d’ailleurs ce qui énerve le patron, que les chiffres ne sont pas bons quand il est en vacances ! car le meilleur employé du mois, bien sûr, c’est lui, même s’il doit parfois demander à Siri (l’application de commande vocale de l’Iphone) d’avoir une idée à sa place. Cynique à souhait (il vient à l’enterrement d’une vieille dame pour vérifier l’excuse d’un de ses employés)
Plusieurs pages relèvent d’un humour moins critique (quand un petit vieux colle des timbres sur son écran pour envoyer un mail…) mais l’ensemble reste quand même très acide.
Bêtes de travail
C’est dans ces situations que Vaïnui de Castelbajac donne le meilleur de son talent d’observatrice. Des jeux de mots illustrés par les animaux ou l’illustrations d’expression les mettant habituellement en scène, voilà qui fait son univers. Pensons à ces moutons qui vont travailler à l’usine et s’y faire tondre, marquant ainsi u’ils sont employés matière première et consommateurs… cette bougie éteinte souffrant d’un burn-out… des feuilles quadrillées formant un conseil d’administration et demandant plus de marges… des dominos solidaires qui se rassurent : « Et n’oubliez pas, un seul de nous qui flanche, et c’est toute l’entreprise qui s’écroule ! »…
Cette partie « bonus » est beaucoup plus poétique mais n’en dénonce pas moins un univers jugé inhumain (des fourmis autour d’une table regardant une cigale et lui disant « Il y a clairement un élément moins productif que les autres parmi nous. »)
C’est toujours idiot (un éléphant qui a peur de la souris de son PC, des poissons rouges qui recommencent toujours la même réunion car ils ont tout oublié), mais que c’est drôle !
Drôle à souhait, très inventif et jouissif, enchaînant les gags les plus idiots et les critiques très acerbes sur le monde de l’entreprise, Au Taf vaut mieux qu’une thérapie pour qui un jour à souffert au travail et considéré que l’Enfer est un lundi matin !
Loïc Di Stefano
Vaïnui de Castelbajac, Au Taf, Delcourt / Tapas:-*, août 2017, 128 pages, 16,95 euros