Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie

Journaliste à Rock&Folk, Thomas E. Florin est l’auteur d’une déjà belle étagère d’ouvrages non publiés. Son récit, Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie, est donc le premier, et il y met toute sa dérision, toute sa puissance et tous ses ressentiments. Pour notre plus grand plaisir.

Une position inattendue

La plupart des livres qui parlent des livres mentent en avant le côté bienheureux, salutaire, nourricier, de la relation particulière qui lie un lecteur et ses livres. ThomasE. Florin serait-il une sorte d’Alberto Manguel inversé ? Non, car cette fausse détestation des livres est une manière encore d’en rappeler la force et le pouvoir.

Tout commence par le feu, l’autodafé. Didier, ami et voisin de l’auteur, s’est peut-être endormi avec son éternelle cigarette, et l’immeuble est en feu. Ses milliers de livres — et de vinyles — qui font un monticule sur la rue sont le signe d’une soudaine délivrance. Il vivait pour eux, par eux, et maintenant il va être contraint de vivre pour lui. C’est un homme qui renaît, comme allégé de son fardeau, de son addiction. Quelle étrangeté que d’être poussé hors de sa passion et d’y trouver un certain soulagement, puis une forme de liberté. Toute la vie du narrateur, pourtant, s’était inscrite dans la lignée des lecteurs amoureux des livres, depuis sa mansarde d’étudiant jusqu’à la première grande bibliothèque de son couple. À quel point a-t-il pu se sentir envahi, débordé, dépassé dans son projet même d’écrire par tous les livres qui, finalement, l’encombraient ?

« Les livres ne sauvent pas »

La narrateur s’est pourtant construit avec les livres, et son métier est d’écrire. Mais c’est comme s’il était dans une gangue qui l’empêchait d’exister tout à fait. Les livres trouvés dans rues de Paris, achetés, récupérés parce que des héritiers indélicats et peu littéraires vidaient les bibliothèques de leur parents pour faire place nette… Nul héritage est plus parlant, pour ce qu’à été une personne vivant par et pour les livres, que sa bibliothèque. Mais alors est-on soi-même ou le reflet de sa bibliothèque, de tous les livres qui nous composent ? Et si l’on se mêle d’écrire, comment être soi sans être en même temps tous les autres ? Car le désir absolu du narrateur, quitte à être une plaie pour son entourage, est d’écrire un livre. Et Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie est aussi une longue déshérence sur le chemin de l’écriture.

Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie est un livre qui regarde de biais la relation du lecteur — et plus encore s’il est aussi écrivain — et de ses livres. C’est drôle, touchant, intelligent, et, avec plus de sérieux qu’il n’y paraît au départ, ce récit bref propose une réflexion littéraire subtile, réjouissante et judicieusement décalée.

Loïc Di Stefano

Thomas E. Florin, Autodafé, comment les livres ont gâché ma vie , Le Gospel, février 2025, 90 pages, 10 euros

Pour aller plus loin, lire le très intéressant Quelques influences derrière « Autodafé » de Thomas E. Florin, où il évoque aussi bien son projet, ses influences que sa démarche d’écriture.

Laisser un commentaire