Electric Dreams, Philip K. Dick à l’honneur sur Amazon Prime
Le monument Philip K. Dick.
Il n’est jamais inutile de rappeler certaines vérités essentielles, comme celle-ci par exemple : Philip Kindred Dick est un des plus grands auteurs de science-fiction américains du XXe Siècle. Pardon, je voulais dire : un des plus grands auteurs américains du XXe Siècle. Toutes mes confuses.
Adapté au cinéma à de multiples reprises avec -comme disent les gens indulgents- des fortunes diverses, du ratage spectaculaire (Radio Free Albemuth, The Impostor, Paycheck) à l’adaptation imparfaite produisant malgré tout un bon -voire un très bon- film (Blade Runner, Planète Hurlante, A Scanner Darkly), l’hommage respectueux (Dark City), jusqu’au pillage pur sans prendre la peine de l’évoquer (coucou Matrix), l’œuvre de Dick aura connu quelques honneurs et subi beaucoup d’outrages.
Une première réussite sérielle avec The Man In The High Castle.
Aussi votre serviteur est-il toujours un tantinet soupçonneux quand parviennent à ses esgourdes de taille respectable diverses rumeurs de mise en image de monsieur Dick,
les défenses naturelles de celui qui a tout lu de l’auteur, létales et aiguisées, ont tôt fait de se mettre en place : sagouins, fesse-matthieu et autres ladres, gare à vous !
Première faille dans cette barrière, la série The Man In The High Castle (dont nous reparlerons ici dès la sortie de la troisième saison), habile adaptation du livre éponyme, qui non seulement reste fidèle au roman mais parvient, sans trahir, à étendre le champ de son récit et à l’approfondir. Il est difficile d’impressionner le chroniqueur, qui, rendant -temporairement- les armes se fend d’un : « Chapeau bas, mesdames et messieurs ».
Electric Dreams, un rêve devenu réalité ?
Electric Dreams est une série anthologique, héritière en cela des mythiques Twilight Zone (la Quatrième Dimension) et Outer Limits (Au-delà du Réel) ou plus récemment Black Mirror. Le principe en est simple : à chaque épisode son histoire, indépendante des autres sur des thématiques diverses.
Dans Electric Dreams l’on va plus loin en transposant des nouvelles de Dick. Les adaptations sont ici à géométrie variable, tantôt très fidèles au matériau d’origine (The Commuter, Kill All Others, Human is), tantôt assez éloignée sur la forme (Safe and Sound adapté de Foster you’re dead!, Real Life adapté de Exhibit Piece) mais toujours dans le respect des thématiques dickiennes.
Les obsessions de PKD
Réalités truquées, humanité simulée, manipulation, nécessité d’empathie, et la prédominance des personnages féminins, tout y est. En cela, l’amateur éclairé de Dick sera soulagé et rassuré. Les créateurs de la série ont compris que lorsque l’on aborde un tel auteur, il est capital de s’appesantir non pas sur la forme, comme l’on fait trop de films, mais sur le fond, si important.
La série parvient avec beaucoup de réussite à aborder tous ces concepts. De la décision du personnage de choisir l’illusion plutôt que la réalité (Real Life), de savoir ce qui est humain de ce qui ne l’est pas (Autofac), de la manipulation de masse (Kill All others), de l’amour comme seule échappatoire d’une réalité mortifère (Impossible Planet), tout ce qui fait Dick est présent, traité avec justesse, subtilité et un sens certain du suspense.
Au bout du compte, que faut-il donc pour réussir là où tant d’autres ont échoué ?
Au-delà des évidents moyens techniques et financiers — indispensables cela va de soi — il faut que les créateurs aient une connaissance intrinsèque de l’auteur, l’amour de son œuvre (si importante par ce qu’elle dit notre humanité et de notre société), la volonté de la servir plutôt que de s’en servir. Autrement dit, ne pas se contenter de préparer un hamburger gras à faire craquer les artères quand on peut mitonner un magret sauce armagnac à ma façon.
C’est chose faite — et bien faite — ici.
Éric Delzard.
Philip K. Dick’s Electric Dreams, série Amazon Prime. 10 épisodes de 50 minutes