Les derniers jours d’Yitzhak Rabin, tragédie israélienne

Journaliste, auteur de Le Pape et la Matriarche (Passés composés, 2024) consacré à la rencontre entre Paul VI et Golda Meir, Michaël Darmon a ici décidé de nous donner un ouvrage sur Yitzhak Rabin, assassiné il y a trente ans en novembre 1995. A l’époque, on ne le savait pas mais cet évènement scella le début de la fin du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens.

Le faucon devenu colombe

Darmon adopte une démarche d’historien et remonte le temps pour essayer de comprendre comment cet assassinat a pu arriver. Car Rabin est un militaire qui a consacré toute son existence à la défense de l’état d’Israël. Premier ministre en 1974, il est attaqué pour un scandale insignifiant (l’existence d’un compte en banque en dollars, interdit en Israël à l’époque) qui le pousse à la démission et à laisser la place à son rival honni, Shimon Peres, battu par le Likoud aux élections de 1977. Rabin occupe des postes ministériels dans les années 80, se chargeant notamment de la répression de l’Intifada mais il évolue. Il se montre ainsi partisan de la paix avec la Jordanie et surtout la Syrie. En 1992, il redevient premier ministre. Concernant les négociations avec les Palestiniens, il est mis devant le fait accompli par Peres (toujours lui) mais s’y rallie. Le voici donc en train de serrer la main d’Arafat : il se force, ça se voit mais il le fait. Et Rabin s’investit pleinement dans le processus d’Oslo, malgré sa méfiance envers Arafat. C’est l’accord Gaza + Jéricho et la perspective d’un état de Palestine. Déjà, le Hamas est contre et multiplie les attentats. L’extrême droite des colons juifs aussi…

Et drame survint

Michaël Darmon retrace très bien l’ambiance de l’époque, les manifestations anti-Rabin organisées par les colons et la droite de Benyamin Netanyahou (déjà lui). Rabin y est caricaturé en officier SS, avec un keffieh… Le jeune Ygal Amir, survolté, issu d’un milieu séfarade autrefois méprisé par la gauche travailliste ashkénaze, commence le chemin qui va le mener à tuer le premier ministre un soir de novembre 1995, dans une manifestation organisée pour le soutenir par le français Jean Frydman, où Rabin le taciturne est ému, heureux de voir ce peuple avec lui, esquissant même un geste de complicité avec Peres. Le reste est connu, Rabin encaisse les balles et meurt à l’hôpital…. Idéologiquement, il est clair qu’Ygal Amir était sous l’influence de l’extrême-droite, celle de Smotrich et Ben Gvir, aujourd’hui ministres de Netanyahou. Rabin, s’il avait survécu, aurait-il conclu la paix avec un Arafat peu fiable comme on le sait maintenant ? Sans lui, tout est en tout cas parti à vau-l’eau…

Excellent livre. Triste aussi…

Sylvain Bonnet

Michaël Darmon, Les derniers jours d’Yitzhak Rabin, Passés composés, octobre 2025, 288 pages, 21 euros

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