Théorie du combattant, comment se battre au XXIe siècle ?

Ancien officier dans l’infanterie de marine, Michel Goya est devenu historien militaire. On lui doit de nombreux ouvrages de très bonne qualité comme Les vainqueurs : comment la France a gagné la Grande Guerre (Tallandier, 2018), S’adapter pour vaincre (Perrin, 2019) ou plus récemment L’ours et le renard, avec Jean Lopez (Perrin, 2023). La théorie du combattant commence avec un évènement : la perte dans une embuscade de dix soldats français en Afghanistan le 18 août 2018. Michel Goya montre le contraste entre l’émotion nationale suscitée par ce drame et le peu d’intérêt porté alors à l’armée, à son budget, à son équipement…

Sous le feu

Ce livre est un ouvrage sur les fantassins. Ce sont eux qui font les guerres, vont au feu, baïonnette au canon, essuyant les tirs de l’artillerie. Michel Goya raconte les mutations de ces combats d’infanterie depuis le XVIIe siècle, des combats sous Louis XIV et Frédéric le Grand jusqu’au génie manœuvrier de Napoléon, bien aidé par les pieds de ses soldats. Le XIXe siècle voit des progrès dans la létalité des combats, on meurt par exemple de plus en plus par balles (« le chassepot a fait merveille », sic). Les manœuvres tactiques perdent de l’importance face à l’importance des batailles de rencontre comme pendant la guerre de 1870. Mais plus les progrès technologiques accélèrent, plus la guerre devient meurtrière : en 1914, on s’enterre dans des tranchées à l’ouest, le front se bloque… jusqu’à l’arrivée des chars, porteurs d’une rupture technologique et tactique, et des Américains. Mais c’est le fantassin qui demeure au cœur de cette histoire.

Et maintenant ?

La seconde guerre mondiale marque le triomphe de la Blitzkrieg et surtout de la capacité d’adaptation des armées (la française en meurt). C’est aussi le moment de l’art opératif soviétique qui défait la Wehrmacht, grâce en partie à la préparation en amont des opérations de rupture. L’arme nucléaire bloque la guerre… qui continue sous d’autres formes comme la guérilla, particulièrement dans le tiers-monde. L’armée française a subi de plein fouet le choix d’encaisser les « dividendes de la paix », la baisse des budgets après la chute du mur en 1989. Aujourd’hui, la guerre en Ukraine est un révélateur : la guerre de haute intensité est de retour en Europe. C’est aussi un accélérateur ; percée des drones, échec du blocus maritime, triomphe de la souplesse tactique (ukrainienne) et de la capacité à s’adapter mais aussi résilience russe grâce à l’artillerie. Des leçons pour la France ? Il faut impérativement miser sur des nouveaux équipements comme les drones (mais pas seulement), rééquiper, former des réservistes et… refaire des gros bataillons car, en ce moment, la Russie est l’adversaire systémique de l’Europe et de la France, qu’on le veuille ou non. Et le comportement erratique de l’allié américain démontre la nécessité d’un réarmement d’abord et avant tout moral, puis matériel.

Excellent livre de Michel Goya qui pousse à réfléchir.

Sylvain Bonnet

Michel Goya, Théorie du combattant, Perrin, octobre 2025, 416 pages, 23 euros

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