Nightfall, un homme piégé
Un auteur qu’on retrouve toujours avec plaisir
Il y aurait beaucoup à dire de David Goodis (1917-1967), auteur phare du roman noir. Cauchemar, adapté par Delmer Daves avec Humphrey Bogart sous le titre Les passagers de la nuit, lui a offert les portes d’Hollywood où il devient scénariste. Mais les choses ne tournent pas comme prévu, Goodis retourne chez ses parents et sort un livre par an jusqu’à sa mort. Nightfall, réédité cette année, est l’un d’eux.
Un homme hanté
Bienvenue à New York où James Vanning cherche à travailler, à oublier :
« C’était l’une de ces soirées moites lors desquelles Manhattan trahit son âge. Il y avait quelque chose de triste, de croupissant, dans le refus d’accélérer de cette pulsation gluante. C’était tout sauf une soirée pour travailler, et Vanning se leva, s’éloigna de sa planche à dessin animée. Il effleura un gros coffret métallique rempli d’aquarelles, entendit le fracas du coffret sur le sol. Ça tombait très bien. Ça mettait fin à toute tentation qu’il aurait pu avoir de finir le boulot ce soir. »

Dessinateur publicitaire, ancien combattant, James Vanning souffre d’un trauma. Il a des images, des visions qui le tourment : un revolver noir, des scènes violentes et même un meurtre. Il pense qu’il a tué… Lui qui n’aspirait qu’à trouver une femme pour fonder une famille, vivre une vie normale. Un jour dans un restaurant, il aborde une fille magnifique, Martha. Il sympathise avec elle mais c’est un appât : elle le mène à John et à sa bande. Tout remonte à Denver, à un casse. Vanning n’y a pas participé. Mais il n’y a que lui qui sait où sont les trois cent mille dollars. Et ce mort… Pendant ce temps, Fraser espionne aussi Vanning mais n’arrive pas à croire à sa culpabilité…
Un mélodrame
Si on suit François Guérif, Goodis estimait qu’il écrivait des « mélodrames avec de l’action ». Il y a de ça dans Nightfall où tout repose finalement sur la malchance – Vanning n’aurait pas dû croiser la route de ces malfrats – et les pièges de la mémoire. Le personnage principal n’arrive pas à se rappeler de tout ce qui s’est passé du cambriolage, de sa fuite et du lieu où se trouve la sacoche avec les trois cent mille dollars (lire le passage où il s’est retrouvé en possession de cette sacoche fait sourire, quels branquignols ces truands). Il y a une fatalité chez Goodis et ses personnages s’efforcent d’y échapper. Bon roman noir, adapté au cinéma par le solide Jacques Tourneur, il convenait de le signaler.
Sylvain Bonnet
David Goodis, Nightfall, traduit de l’anglais par Christophe Mercier, Rivages, avant-propos de François Guérif, avril 2025, 240 pages, 8,90 euros
