« Entre eux », dans l’enfance de Richard Ford
Richard Ford nous propose avec Entre eux une plongée dans son enfance, le livre ayant particularité d’être organisé lui-même comme un entre-deux. La première partie étant dédiée à son père, « ce grand gaillard discret » qui rendit l’âme alors que le futur écrivain n’avait que seize ans ; la seconde partie, quant à elle, étant consacrée à sa mère qui l’accompagna sur les routes de l’existence durant les vingt années qui suivirent.
Le titre traduit bien l’intrusion que fut sa naissance dans ce couple qui n’attendait plus d’enfants et qui fit d’eux des parents sur le tard ; même s’ils ne déméritèrent pas, ces derniers restant avant tout mari et femme jusqu’au jour où la camarde mit un terme à cette union.
C’est aussi l’occasion pour Ford de nous raconter une Amérique révolue, celle de la période allant de la Grande Dépression jusqu’aux années dorées qui succédèrent à la Deuxième Guerre mondiale. Son récit, au-delà de l’exhumation autobiographique, se voulant aussi une réflexion sur l’enfance, l’âge adulte, les souvenirs qui nous tenaillent au quotidien, la paternité, la construction d’un être, le déterminisme, les chemins de traverse qu’empruntent parfois nos parcours existentiels et au bout du chemin… la mort.
Ce récit singulier présente pour caractéristique qu’il ne fut pas écrit d’une traite, l’évocation de son père ne fut couchée sur le papier que récemment tandis que la partie dédiée à sa mère ayant été écrite en 1981, soit peu de temps après la mort de celle-ci.
Pour Richard Ford, qui n’a jamais eu d’enfants et n’endossa donc jamais à son tour le rôle de père, convoquer le passé et ses relations avec ces deux figures centrales rappelle combien il est difficile de trouver sa place dans ce monde et ceci dès le plus âge, même parmi ceux à qui l’on doit la vie et qui sont censés grandir à nos côtés…
Romain Grieco
Richard Ford, Entre eux, traduit de l’anglais (États-Unis) par Josée Kamoun, Points, mai 2018, 168 pages, 6 euros