« Entrez dans la danse » de Jean Teulé

« Depuis presque une semaine […] ils sont de plus en plus nombreux à se lancer dans des rondes, des farandoles, sans s’arrêter jour et nuit. Beaucoup en tombent d’épuisement, se blessent. »

Après quatre années de mauvaises récoltes, une invasion turque qui se profile, Strasbourg n’est plus, en cette année 1518, que l’ombre d’elle-même. La misère est si tant forte que les mères se débarrassent de leurs nourrissons, n’ayant plus de lait, à défaut, parfois, de les manger…

Est-ce cet hérésie qui engendre la danse folle qui contamine de proche en proche et jette dans la rue les strasbourgeois les plus pauvres ? Perdant tout contrôle d’eux-mêmes, ils dansent comme pris par une transe incontrôlable, jour et nuit, traversent les bas-quartiers et propagent la folie épidémique si bien que le flot des danseurs devient vite incontrôlable. Le maire doit trouver la solution, soit les parquer et les nourrir, soit leur jouer de la musique, ou tout autre solution au fur et à mesure de l’inventivité de ses conseillers. Mais il semble que rien ne peut endiguer cette crise mystique collective…

 

 

La Bible… Pour la qualité, il y a a redire car l’ouvrage est bâclé. Il est fait à la Diable. Quand je passe en revue les grands scandales dus au prince évêque que vous êtes, nul ne s’étonnera que mes yeux s’emplissent de larmes d’amertume à observer chez nous la foi catholique se vautrer dans la honte. »

 

Sur fond d’histoire véridique Entrez dans la danse est une charge anticléricale assez violente qui cible le comportement d’hommes vils revêtus de beaux habits et que va clore le roman dans un final flamboyant. Depuis ces événements et leur résolution, la ville de Strasbourg, pour longtemps, s’est détournée du catholicisme et s’est ouverte à la Réforme.

 

« Celui-là, à terre, ne danse plus. Il est guéri ? / — Non, il est mort. »

 

Entrez dans la danse est une histoire très prenante et vraiment curieuse, tirée d’un fait réel (comme l’auteur en est accoutumé). Mais l’écriture très particulière de Jean Teulé, qui mélange de vives grossièretés (non pas des personnages mais du narrateur lui-même à son lecteur), un snobisme d’antéposition du complément sur son objet très lourd et un humour souvent appuyé d’anachronisme (cherchez la référence au chanteur François Valéry, à OK Corail…), fait un texte trop apprêté pour le peu de moyens technique dont l’auteur dispose, d’un snobisme très gens-de-lettres. La lecture est pénible, entrecoupée sans cesse comme s’il s’agit d’un à la manière de pour faire « écrivain littéraire » mais sans le talent ni le souffle, affreusement ponctuée, et souffrant de ces ruptures de ton entre le pseudo grand style et l’ordure populacière.

 

Un beau sujet bien construit mais qui aurait gagné, donc, à être bien mieux écrit.

 

Loïc Di Stefano

 

Jean Teulé, Entrez dans la danse, Julliard, février 2018, 160 pages, 18,50 euros

Laisser un commentaire