Lina ne ment jamais, La journaliste et la voyante de Brocéliande

« La femme devra tuer la journaliste pour être libre de son écriture. »

Jeune journaliste parisienne bobo (sic), Géraldine Ruiz, méthodique et cartésienne entreprend de raconter sa rencontre avec Jeannick-dite Lina. 

Cartomancienne de soixante-douze ans, Lina reçoit ses clients dans la chambre d’amis de sa maison plantée à l’orée de la forêt de Brocéliande. Loin du mythe de la sorcière dans sa cabane, Géraldine Ruiz va être confrontée à une femme à la « normalité surprenante », au langage déconcertant et sans fioritures, qu’elle va même comparer à Anne, l’héroïne désopilante de « Ni juge ni soumise. »

Lina voulait débusquer les mensonges derrière les faux-semblants.

Terre à terre et loin des superstitions, l’entrevue s’annonce folklorique. Délaissée par son dernier amant et sous l’impulsion doublée de la mise en garde de son amie Mado « Attention, Lina ne ment jamais », la journaliste décide de se mettre en route pour Brocéliande… un peu à reculons toutefois, pressentant le coup fourré. « Je vais me faire arnaquer par une Madame Tout-Le-Monde qui joue à la sorcière. » Surprise par la trivialité de Lina et désespérant recevoir un signe encourageant de la part de son entourage, l’autrice se laisse étonner par la rusticité du langage et l’authenticité de Lina qui terminera cette première consultation par un « Vous devriez écrire sur l’amour, tout le monde s’intéresse à l’amour. »

Et voilà le projet lancé : écrire sur l’amour et en passant… sur Lina, sa messagère, dont, curieuse, elle va chercher à percer le mystère. 

Cartomancienne serait l’un des plus vieux métiers du monde: une énième réponse à la frustration. Les cartes remplissent une fonction plus primaire que la thérapie. Elles répondent au besoin parfois irrépressible de connaître la suite. L’absence de réponse rend fou et les lendemains font peur tant parfois ils semblent incertains.

Découvrant la toile au fil de leurs rencontres et des confessions de la voyante enthousiasmée par l’idée de l’écriture de sa biographie, nous assistons à une enquête journalistique qui tourne peu à peu à l’introspection. S’éloignant de son sujet, le projet de Géraldine Ruiz, mine de rien, ouvrira sa propre boîte de Pandore, questionnant le besoin, bien ancré dans le quotidien de nombreuses personnes, de consulter une voyante pour connaître son avenir. Paysage sociologique, vécus personnels, réflexions de la journaliste tissent ce récit de l’improbable rencontre entre raison et sentiment, entre soif de connaître son avenir et regret de ne pas avoir écouté davantage sa propre voix intérieure. Loin de l’annonce en quatrième de couverture qui laisse entrevoir une présentation originale de la cartomancie, ce récit se lit plutôt comme un voyage personnel, un peu décousu, enchaînant les aventures émotionnelles d’une jeune parisienne perdue dans les méandres de sa vie amoureuse. 

Nathalie Hanin

Géraldine Ruiz, Lina ne ment jamais, Julliard, février 2024, 224 pages, 20 euros

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