« Est-Ouest », choses vues par Pierre Christin

Plongez dans l’histoire de la culture de la BD

Il sera difficile de résumer la vie culturelle de Pierre Christin, ce géant de la BD française. L’enseignement est son métier originel, qu’il prodiguera des Etats-Unis à ses débuts et ensuite en France où notamment il fondera l’IUT de journalisme de Bordeaux.

Mais dès son plus jeune âge, la rencontre déterminante avec Jean-Claude Mézières, artiste dessinateur qui n’aura de cesse de lui insuffler le goût de l’écriture et l’envie de partager une passion naissante ainsi que sa rencontre avec Jean Giraud (alias Moebius). Son métier deviendra rapidement scénariste de bande dessinée, simultanément à l’enseignement. Suivra notamment, à l’aube de Mai 68, autour du thème de la science fiction, leur premier ouvrage « Valérian ». S’en suivront 26 épisodes.

Pierre Christin va ensuite collaborer avec les plus grands dessinateurs : Enki Bilal, Jacques Tardi, Boucq, Vern… il n’a été la plume que des grands de la BD.

Philippe Aymond avec son bagage universitaire en arts plastiques, croisera rapidement la mine graphite avec notamment Jean-Claude Mézières pour des aventures bédéistes. Il collabore avec Jean Van Hamme (autre icône de la BD) pour dessiner Lady S, qui lui laissera même le soin de s’occuper du scénario depuis 2014.

 

 

Le testament d’un géant ?

Il aura attendu 79 ans pour écrire ses propres aventures. Il est passionnant de découvrir le parcours d’une telle personnalité, il est d’autant plus attachant de la voir dessinée.

Nous partons à l’aventure à ses côtés de l’ouest américain au souffle de liberté jusqu’aux confins de l’Europe de l’est fermés et austères.

Des flashbacks nous plongent aussi dans sa jeunesse pendant la deuxième guerre mondiale ; ou ensuite à l’adolescence avec le jazz qui prendra corps. Il prendra l’exemple du pianiste de Miles Davis et grace à son travail acharné au piano il formera un groupe avec sa bande de copains.

Son parcours initiatique de l’enseignement débute aux Etats Unis où il partagera son temps avec son ami d’enfance Jean-Claude Mézières qui chevauche d’autres tâches. Ils commenceront à proposer des premiers projets de bande dessinées pour les concrétiser à leur retour en France.

Une certaine naïveté portée au nu, révèle les arnaques dont il fait l’expérience en achetant des voitures boiteuses qui nous font sourire. L’expérience des grands espaces américains, autant d’espace et de liberté qu’il n’aura de cesse d’affirmer ensuite.

A son retour en France il rencontre Goscinny qui l’aiguille et le soutiendra pour se lancer. Il s’engagera aussi lors des conflits de Mai 68 avant de partir à la conquête des pays de l’est sous le joug communiste. Après les excès de libertés aux USA il sera confronté aux contrastes, ceux de la pauvreté, de la débrouillardise. Des rencontres émouvantes vont guider ses pas à travers les frontières de la RFA, la Tchécoslovaquie, Hongrie, Roumanie, Bulgarie…

 

 

Sincérité et authenticité

En tout cas cette biographie est écrite et produite avec beaucoup de sincérité. Le personnage principal, et je pense que c’est un choix affirmé, est quasiment toujours dessiné de dos pour laisser place à l’histoire, à son histoire.

C’est étonnant de parcourir la vie d’un artiste qui nous a fait rêver avec ses histoires, ses aventures délirantes mais surtout de mieux comprendre le parcours qui l’a mené jusqu’à tant de péripéties sur nos BD favorites.

 

Xavier de la Verrie

Pierre Christin (Scénario), Philippe Aymond (dessin et couleur), Est-Ouest, Dupuis, « aire libre », avril 2018 118 pages, 26 euros