« Frappe-toi le cœur c’est là qu’est le génie »

Amélie Nothomb reprend plusieurs thèmes déjà traités dans ses précédents romans, la beauté, la froideur d’âme, l’enfance, la maigreur, et trame avec Frappe-toi le coeur un jeu de cruauté dans les relations de son héroïne Diane aux autres femmes : sa mère, sa soeur, sa meilleure (et seule) amie, son mentor. Autant de parcours pour un seul constat : la vie de Diane est un long chemin d’apprentissage des arcanes du coeur…

 

Tout vient de la mère

Diane a la malchance d’être un très beau bébé, si bien que tout le monde s’extasie. Mais sa mère, dont le seul plaisir au monde est de jouir de l’envie suscitée  et de sentir le regard des autres posé sur elle, ne supporte pas d’être supplantée. C’est elle la plus belle fille de la ville, pas sa fille ! Et Diane doit se construire dans ce quasi déni de son existence. Seul son père, trop amoureux de sa femme pour être vraiment lucide, est d’un peu de réconfort. Il faut attendre qu’elle entre à l’école et aille vivre chez mamie pour qu’elle reçoive son comptant d’amour. Puis viendront deux autres enfants, un frère aimé normalement (il ne fait pas concurrence) et une petite soeur adulée car pas si belle… Trois enfants, trois manières d’aimer, mis quelle est la bonne ? Pour survivre, Diane se caparaçonne le coeur et devient une machine à travailler, froide sans être hautaine, délaissant les loisirs et les plaisirs des enfants de son âge (quel que soit son âge). Au cours de ses années de médecine, elle croise un professeur captivant, qui devient vite son mentor puis son amie. Mais dans l’intimité elle s’avère être pour sa fille comme la mère de Diane l’a été pour elle : indifférente, voire pire, méprisante. Comment peut-on mépriser son enfant ? comment peut-on n’exister que pour la façade sociale et ne construire que sur des mensonges en abolissant l’humain ? ce n’est pas pour rien que ce mentor si froid de cœur est un professeur de cardiologie qui préfère les étudiants aux patients…

 

Dépression, tu parles ! Elle est maladivement jalouse de sa fille. C’est ça qui l’empoisonne. »

 

Toujours faussement simple (la marque de fabrique Nothomb), Frappe-toi le cœur est un roman étonnant dans l’univers de l’auteur, parce qu’il a un style plus sobre, des noms de personnages tout à fait normaux (Marie, Diane, Olivier, etc.) et un récit linéaire comme une démonstration qui s’étire plus longuement dans le temps que les habitudes. Mais, justement, comme si la temporalité ne creusait pas de rides et servait juste à appuyer un constat, ce format de grosse nouvelle ne se désagrège pas à être un peu bousculé. Et ce roman, marque de sa réussite, reste longtemps à l’esprit.

 

Loïc Di Stefano

 

Amélie Nothomb, Frappe-toi le cœur, Albin Michel, août 2017, 169 pages, 16,90 euros

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