L’été froid, plongée dans la mafia des Pouilles

Gianco Carofiglio, que l’on a découvert avec son si beau Trois heures du matin, après avoir été longtemps sénateur, est Procureur et conseiller du comité anti-mafia au Parlement italien. Il nous plonge avec L’Eté froid dans le monde de la mafia qu’il connaît bien, et dans son propre univers, puisque l’histoire se déroule à Bari, la si belle et si tortueuse capitale des Pouilles, où il est né.

un homme intègre

Chaque fois, on se dit qu’on a l’habitude, chaque fois, on se dit que rien ne parviendra plus à nous toucher et nous surprendre, et pourtant chaque fois, on tombe sur quelqu’un qui nous tape encore plus sur les nerfs.

L’histoire est celle de Pietro Fenoglio, maréchal des carabiniers en poste à Bari. C’est un homme intègre, efficace et calme. Et c’est un personnage très attachant. Il a une manière propre à lui d’obtenir la confiance des malfrats et le respect de ses hommes. Et même si certains l’affublent de sobriquets, il reste un modèle.

Alors que sa vie privée qui part à vau l’eau, il mènera la double enquête qui donne la force particulière à L’Eté froid. C’est une manière de héros désabusé et en retrait de son temps, bien trop courtois avec les voyous et si loin des carabiniers qui aiment à faire le coup de poing. Son personnage permet de décrire et de comprendre le système pénal italien, ses ressorts et ses recoins, par ses réflexions propre, qui sont celle que l’auteur pourraient rassembler dans un essai. Mais incarnées, elles portent plus car elles sont rendus accessibles au grand public.

un affranchi ?

L’histoire se déroule en 1992. Entre l’assassinat du juge Giovani Falcone le 23 mai 1992 et celui du juge Paolo Borselino, le 19 juillet. Autant dire que l’enquête est une mission à haut risque. Mais comparé à Cosa Nostra, les quelques deux cents affidés du parrain local Grimaldi Nicola et de sa Società Nostra font piètre figure, mais ils effraient tout de même ! Et quand son fils est kidnappé, c’est tout l’équilibre régional qui est bouleversé. Car tout le monde pense que c’est Lopez Vito, son second, qui a fait le coup… lequel d’ailleurs vient de lui-même se mettre sous la protection de carabiniers contre toutes les informations qu’il détient sur le réseau de Grimaldi.

Les carabiniers doivent écouter cette source miraculeuse qui offre au lecteur un témoignage de l’intérieur sur le fonctionnement de cette mafia locale. Les réseaux, les grades, les actions, et la folie du parrain. Mais ils doivent aussi se rendre à l’évidence : ce n’est pas possible que Lopez Vito soit responsable de l’enlèvement. Alors qui ?

L’Eté froid est un roman exceptionnel de simplicité apparente et d’intensité. Fuyez si vous cherchez les descriptions sanguinolentes ou la perversion affichées. Il s’agit ici d’une histoire d’hommes, de mafieux, de carabiniers, une histoire à l’ancienne, mais si merveilleusement écrite : un chef-d’œuvre.

Loïc Di Stefano

Gianco Carofiglio, L’Eté froid, traduit de l’Italien par Elsa Damien, Slatkine & Cie, mars 2021, 458 pages, 20 eur

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