Dessiner encore, thérapie post-Charlie pour Coco

Sans nul doute, Dessiner encore est une thérapie nécessaire à Coco. C’est aussi valable pour nous à une bien moindre mesure, nous avons tous été sous le choc de ce terrible attentat qu’a été celui perpétré contre Charlie Hebdo le 7 janvier 2015. Elle dévoile sans filtres le profond traumatisme et le bouleversement qui s’en est suivi.

« C’est dur d’être aimé par des cons »

Je ne suis pas morte. Je ne suis pas blessée. Et pourtant quelque chose s’est fracturée. Je vis avec. Avec ce « 7 » lourd à porter, aussi écrasant que mon sentiment d’impuissance…

Corinne Rey alias Coco, dessinatrice de presse, nous amène sur ses pas tourmentés depuis le 7 janvier 2015. Elle qui ouvre les portes de la rédaction de Charlie Hebdo aux frères Kouachi et qui en survit, mais surement pas indemne. Coco nous dévoile avec le plus de légèreté possible son calvaire. Les scènes qui tournent en boucle dans sa tête, ses tentatives de thérapie pour traiter son syndrome post-traumatique. Essayer d’extirper de sa conscience ces hommes cagoulés qui s’apparentent à des fantômes la pourchassant sans relâche.

Se reconstruire en éprouvant la culpabilité de ce drame, les remords qui la conduit dans les abîmes de la douleur et de la solitude. Comment se défaire d’un si profond drame, l’une des solutions trouvées sera d’utiliser son arme qu’elle utilise depuis toujours : ses pinceaux. 

Elle reprend le travail et comme en apesanteur, sans s’apitoyer sur son sort, elle dessine. Pour le journal et ensuite pour elle.

Sortir du trauma par l’émotion

Aussi léger a-t-il l’air, la lecture de Dessiner encore est bouleversante à plus d’un titre. Voir la vie d’une femme dévastée d’une part et celui de revenir sur ces faits qui restent en mémoire de tous français épris de liberté. On se rend compte que Coco a réussi à prendre suffisamment de recul pour écrire son livre. Elle se dévoile en apportant un ton humoristique, voir l’auto-flagellation. Elle va jusqu’à se dessiner sous des traits caricaturaux, avec des yeux exorbités, une inquiétude qui s’apparente à un état impassible mais effrayé.

Et même si Dessiner encore est un moyen de se défaire de cette tragédie, elle parait vouloir défendre aussi le journal. Elle revient sur la genèse qui a conduit au 7 janvier, les caricatures de Mahomet, le procès qui met Charlie Hebdo en pâture publique. Comment pourrions-nous oublier ? Mais l’ouvrage est aussi fait pour les moins jeunes, c’est aussi un livre d’histoire, pour la postérité, un témoignage.

Il est probable qu’à la lecture de Dessiner encore vous soyez affectés, vous soyez au bord des larmes. Ce sera la plus belle preuve d’amour à l’égard de Coco qui conservera une trace incrustée dans son être. Alors nous lui souhaitons tout notre réconfort, toute notre solidarité, tout notre amour.

Xavier de la Verrie

Coco, Dessiner encore, Les Arènes BD, mars 2021, 352 pages, 28 eur

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