L’ombre portée, la vie selon Pagan
On avait cru perdre Hugues Pagan, ancien prof’ de philo et ancien flic devenu écrivain de romans noirs, à la fin des années quatre-vingt-dix. Il est cependant revenu avec Profil bas (Rivages, 2017) et Le Carré des indigents (Rivages, 2022) où il renoue avec un de ses personnages fétiches, le taciturne Schneider, ancien de la guerre d’Algérie. L’ombre portée nous offre une nouvelle enquête de Schneider et c’est noir, très noir.
Un incendie, des flammes… et le Diable ?
« Depuis le parking qui se trouvait au bord du lac, Schneider avait entamé en petites foulées le parcours qui débutait par un court raidillon abrupt. Il s’incurvait bientôt pour s’embrancher sur un chemin plat d’une longueur de quatre cent mètres environ, orienté plein est. Il l’avait avalé sans difficultés sans difficulté en accélération. »

Mais Schneider est vite interrompu dans son sport : des anciens établissements d’ébénisterie, fermés depuis longtemps, brûlent. Dans les décombres, on retrouve trois clochards. L’enquête va vite, Schneider identifie Gabriel Fonseca, un maçon, comme le responsable du sinistre. Et Fonseca reconnait les faits. Dans le même temps, Schneider retrouve une ancienne camarade de classe, Danielle, désireuse de renouer avec lui. Schneider reste obsédé par son enquête sur le commanditaire de cet incendie, surtout après la mort de Fonseca. La piste remonte à un couple de notables, les Chrétien, hantés par le mal… Plus il avance, plus Schneider retrouve en face de lui le chef d’une secte, un dénommé Montaigu. Plus il avance, plus Schneider se demande qui est vraiment ce Montaigu : il n’en a pas peur mais il n’est pas comme les autres.
Encore une réussite, ça en finit par être lassant…
Que dire sinon que Pagan atteint encore sa cible, comme un tireur couché et toujours précis ? Il nous replonge dans ces années soixante-dix dont nous sommes les héritiers, et dans cette atmosphère très nauséabonde d’un pays qui n’a pas soldé son passé (Vichy, tout ça tout ça sans oublier la guerre d’Algérie). Ajoutons un sens aigu du dialogue concis, souvent ironique et drôle et toujours désespéré : vous comprendrez que Pagan est essentiel à la vie de l’amateur de romans noirs. Avec lui, supporter ce monde est plus facile. L’ombre portée est, soyons clairs, un roman vital.
Sylvain Bonnet
Hugues Pagan, L’ombre portée, Rivages, janvier 2025, 452 pages, 22 euros