« Inventer les couleurs » premier roman jeunesse de Gilles Paris

Auteur de romans et nouvelles où il porte le plus souvent la voix d’enfants, entrant comme nul autre dans leur univers et leur vision du monde, Gilles Paris publie son premier live illustré pour la jeunesse, Inventer les couleurs. Et quelle réussite !

united colors of

Hyppolite et ses copains vivent une journée de classe ordinaire, avec ses bonnes et ses mauvaises surprises. Les cours sympa et le cours de math ! Les récrés où l’on joue encore à l’ancienne mais aussi où l’on se cache des pions pour jouer à se mettre des baffes. La cantine, les cours. L’aller et le retour. C’est une mosaïque d’enfants d’origines différentes parmi lesquels il y a le surdoué Antar, les soeurs Chan, et le grand copain Gégé. Et Fatou, dont les mains rose et noir le fascine et qui pourrait bien être un peu son amoureuse. La petite vie d’école est surtout pour ces enfants le moment préservé où ils sont entre eux, où ils vivent leurs aventures et font leur bêtise, loin du monde des adultes (quand bien même c’est juste derrière le dos du prof).

Le récit de Gilles Paris se construit sur les absences. Les parents, d’abord, qui figurent ce qui déterminent les enfants : la mère qui reçoit des amoureux chez elles, celle qui a abandonné son fils, le grand-frère qui traîne et fait des bêtises, toutes ces vies d’adultes qui ne sont vraiment pas drôles. Et les couleurs, qui donnent le titre, et qui manquent dans la vie d’Hyppolite, vont tenir le sauver. Toutes ces couleurs qu’il prend dehors pour les remettre dedans. Toutes ces forces d’amitiés et d’espièglerie qu’il absorbe dehors pour les redonner à son père, enfoncer dans une triste dépression, au moment trop court du câlin matinal quand il vient se blottir contre lui pour grappiller un peu de sommeil encore, blotti contre son torse et dans ses vapeurs d’alcool et de cigarettes…

Toutes ces couleurs à inventer

La manière dont Gilles Paris, la belle soixantaine épanouie et rieuse, redevient cet enfant touchant dont on suit l’histoire est magique. Et cette magie est rehaussée par les dessins très colorés d’Aline Zalko qui sait perdre le lecteur dans ses méandres, tordre un peu le réel pour laisser naître quelque chose de plus élégant, de plus heureux, quelque chose de meilleur. L’association Paris-Zalko était gage de sourires qui se posent avec tendresse sur la difficulté de rester un enfant dans un monde que les adultes devraient protéger, mais où ils montrent leurs propres faiblesses, leurs souffrances, leur tristesse. Contre le gris du monde, Gilles Paris et Aline Zalko dresse un beau rempart de couleurs !

Loïc Di Stefano

Gilles Paris (texte) et Aline Zalko (illustrations), Inventer les couleurs, Gallimard, « Giboulées », mars 2019, 50 pages, 11,90 eur

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