un baiser qui palpite comme une petite bête

Tout commence comme 13 Reason why : la jeune Iris ne supporte plus d’être victime et se pend. Mais si Gilles Paris écrit Un baiser qui palpite comme une petite bête, c’est pour donner la parole aux adolescents qui ont été dans son entourage immédiat, pour que la vérité kaléidoscopique prenne forme petit à petit. Le titre rimbaldien (1) est une promesse, sera-t-elle tenue ?

un roman chorale

Gilles Paris fait souvent parler un enfant, et par son regard c’est le monde des adultes qui est en point de mire, comme en contre-champ. Dans Un baiser qui palpite comme une petite bête, on suit principalement les jumeaux Tom et Emma, et leurs petites aventures. Il y a aussi Gaspard, Aaron, Julian, Romane, Chloé, Solal, Sarah…). Le rapport avec Iris ? Ils ont tous un lien plus ou moins proche avec elle et la raison de son acte : ils avouent avoir fait partie de la horde qui s’est liguée contre elle, sans forcément comprendre pourquoi, mais portés par le groupe. Iris cherchait à oublier son mal-être et se donnait à tous les garçons. Cela a fait d’elle la fille facile, celle qu’on baise et qu’on repousse après. Celle qu’on filme et dont les réseaux se moqueront. Celle qu’on insulte et qu’on désire malgré tout. Celle qui est trop libre.

Emma est la seule fille sage de la bande, tous les autres n’ont qu’une idée en tête : être à la prochaine fête et en profiter le plus possible. Les garçons s’alcoolisent, les filles se donnent. Ni amour ni respect. Des adolescents vraiment crus et parfois qui se cherchent jusqu’aux limites toujours à repousser. Un baiser qui palpite comme une petite bête est aussi le roman d’une crise identitaire.

« Nuit de juin ! Dix-sept ans ! On se laisse griser. / La sève est du champagne et vous monte à la tête »

Très tôt dans leur vie les adolescents vont rencontrer la laideur du monde. Et chacun, à tour de rôle, portera une part de la vérité sur ce qui a poussé Iris à son acte fatal. Mais le pire, sans doute, c’est de comprendre au fil du roman que personne n’apprend rien, finalement. Et que chaque personnage pourra être à son tour bourreau ou victime. Des petites méchancetés, des actes odieux, des espoirs oui des larmes, mais la chose qui va manquer à ces cœurs encore jeune, c’est la bienveillance.

En traversant une société d’adolescents au regard d’un drame, Gilles Paris traite tous les sujets (l’amour, l’amitié, l’homosexualité, les réseaux sociaux, la bêtise, la méchanceté, etc.) avec crudité et sensibilité. Une histoire tellement probable qu’elle touchera tous les lecteurs, les ados mais aussi les adultes, écartés de l’histoire, qui verront combien cette société qui leur est fermée vit sur des codes durs. L’espoir, peut-être, est cette vengeance annoncée, qui signale une prise de conscience et un retour salutaire vers une plus belle humanité.

Un baiser qui palpite comme une petite bête est un roman important. Beau, juste, sensible, cru, et qui un regarde lucide sur la société en fusion des adolescents d’aujourd’hui.

Loïc Di Stefano

Gilles Paris, Un baiser qui palpite comme une petite bête, Gallimard Jeunesse, septembre 2021, 224 pages, 13,50 eur

(1) Vers qui termine la deuxième section du « Roman », célèbre pour son premier vers : « On n’est pas sérieux; quand on a dix-sept ans. »

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