Jean sans terre, l’homme qui perdit la Normandie

 Ah le roi Jean ! on le connait tous grâce à Robin des bois, adapté sur grand écran de nombreuses fois. Pour nous, il a le visage de Claude Rains dans la version de Michaël Curtiz (et William Keighley) avec le grand Errol Flynn dans le rôle de l’invincible archer. Mais qui était réellement le frère de Richard Cœur de lion ? Un tyran comme le dit la tradition, qui octroya sous la contrainte la grande charte, fondatrice des libertés anglo-saxonnes ?

 

Une spécialiste de l’Angleterre médiévale

 

Ancienne élève de l’école normale, agrégée d’histoire et professeur à la Sorbonne depuis 2017, on doit à Frédérique Lachaud L’éthique du pouvoir au Moyen âge et L’Office dans la culture politique (Angleterre, vers 1150-vers 1330). Elle a aussi collaboré à l’Histoire des îles britanniques (PUF, 2007) sous la direction de François-Joseph Ruggiu. Très impliquée dans la recherche sur l’histoire des pouvoirs et des idées en Angleterre entre XIIe et XVe siècles, elle s’est donc intéressée à la figure de Jean sans terre.

 

Un Plantagenêt méprisé

 

L’historiographie médiévale n’a guère gâté le dernier fils d’Aliénor d’Aquitaine, à qui son père eut comme projet, ses aînés bien dotés en terres, d’en faire peut-être un roi d’Irlande. Toujours est-il que Jean grandit dans une cour prospère, francophone, avec un père qui régnait sur des positions bien disparates, entre l’Angleterre et des terres en France, où il devait rendre hommage à un roi capétien qui guettait le moment de reprendre ses terres. Jean bénéficia du décès de ses aînés (ah charismatique Richard !) et devint roi à son tour.  Mais voilà, il perdit progressivement Normandie et Anjou et se déconsidéra avec le meurtre de son neveu Arthur, duc de Bretagne…

 

Tout pour reconquérir… Et échouer

 

Notre historienne retrace bien les efforts de Jean, monarque compétent et féroce, pour récupérer les territoires perdus. Il finança les campagnes de son neveu Otton, empereur du saint empire romain germanique, qui se fit battre à Bouvines avec le comte Ferrand. Pire, en partie à cause de la pression fiscale, ses barons se révoltèrent et lui arrachèrent la grande charte, qui ne put cependant partiellement entrer en application qu’après sa mort et la fin de la guerre civile (marquée par le dernier débarquement réussi en Angleterre par Louis, le fils de Philippe Auguste). Frédérique Lachaud se livre aussi à une analyse du texte, devenu bien loin des intentions de ses initiateurs un acte fondateur des libertés anglaises…

 

Au final, voici le portrait d’un roi de la féodalité, dont les qualités et les défauts éclatent (c’est un euphémisme). Contre un Philippe-Auguste très rusé, face à la contingence des évènements, il ne put pas grand-chose. Gloire tardive, il fut révéré par les réformés du XVIe siècle pour ses conflits avec la papauté alors que sa soumission contribua à sauver son trône. Ce n’est pas le paradoxe d’un homme qui ne laisse pas indifférent, finalement.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Frédérique Lachaud, Jean sans terre, Perrin, octobre 2018, 450 pages, 24,90 euros

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