La bataille de Bouvines, 27 juillet 1214 : l’histoire face au mythe

Un médiéviste de talent

 

On doit à Dominique Barthélémy des ouvrages de fond, parfois iconoclastes, comme La Mutation de l’an mil a-t-elle eu lieu ? (Fayard, 1997) ou plus traditionnels comme Chevaliers et miracles, la violence et le sacré dans la société féodale (Armand Colin, 2004). Il a aussi codirigé des ouvrages collectifs comme Guerre et société au Moyen-âge avec Jean-Claude Cheynet (ACHCByz, 2010) ou Richesse et croissance au Moyen Âge, Orient et Occident (Droz, 2014). Il se propose avec La Bataille de Bouvines de revenir sur un champ d’études initié en son temps par George Duby.

 

Revisiter une bataille médiévale

 

Célébrée par les historiens de la IIIe République comme une victoire majeure de la France de Philippe-Auguste face à l’Empire (allemand) et à des vassaux révoltés comme le comte Ferran de Flandre, financés en sous-main par le roi Jean (un anglais), il est finalement difficile de retrouver ce que fut vraiment Bouvines. Dominique Barthélémy, après en avoir restitué le contexte, s’interroge sur son caractère décisif. Car d’autres batailles eurent lieu dans les Flandres entre le roi de France et ses vassaux (souvent) en révolte.

D’autre part, les récits se sont succédés, de plus en plus imaginaires, brodant sur le thème des vassaux révoltés envers leurs rois. Le personnage de Ferran devenant parfois un fils caché de Philippe-Auguste ! Au-delà de ces reconstructions littéraires et mythologiques, Dominique Barthélémy s’aventure bientôt sur un autre terrain.

 

 

La postérité de Bouvines

 

Finalement, cette bataille est passionnante par sa postérité, par les récits que le Moyen-âge nous en a transmis. Au point que des hommes comme Voltaire ont très vite exprimé des doutes et se sont interrogés sur la bataille. Il y a d’abord eu l’insistance sur l’intervention des milices communales, où on a vu une préfiguration du peuple en armes (la Révolution n’est pas loin), alors que leur efficacité au combat fut très relative. Ensuite, d’une bataille au caractère féodal, on a fait un affrontement de nations, d’abord entre France et Angleterre au début du XIXe siècle, dans les lendemains de la chute de l’Empire où on a cherché des consolations dans l’histoire ; puis on y a vu un épisode de plus de la lutte millénaire entre gaulois et germains, français et allemands dans les années qui suivirent la défaite de 1870. La dernière partie de cet ouvrage est réellement passionnante et interroge la construction d’un roman national.

Mythe et histoire n’ont en effet pas fini de vivre ensemble…

 

 

Sylvain Bonnet

 

Dominique Barthélémy, La Bataille de Bouvines, Perrin, avril 2018, 544 pages, 27 euros

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