Le Disparu, Xavier Dupont de Ligonnès

Grande spécialiste des faits-divers, Anne-Sophie Martin s’est penché pendant cinq ans sur l’affaire Dupont de Ligonnès, qui a défrayée la chronique quand cinq corps ont été retrouvés dans le jardin d’une petite maison de ville à Nantes, en avril 2011. La famille Dupont de Ligonnès ne montrait que le visage uni et heureux d’une famille heureuse, madame et sa fille étaient régulier à la messe, tous les enfants étaient heureux dans leur vie et leurs études, monsieur était chef d’entreprise… C’est une série de messages informant d’un départ précipité en Australie, puis des correspondances aux proches qui les décident de mener l’enquête pour disparition, puis de fouiller la maison, et enfin de trouver — à l’endroit même que le père signalait qu’il ne fallait pas fouiller car cela ne servait à rien, me fouille y était avant leur arrivée… — les corps de toute la famille, sauf le père, Xavier Dupont de Ligonnès, depuis lors appelé le Disparu… 

Le plus parfait des scénarios possibles

Le Disparu n’est pas vraiment un roman, c’est le récit à la fois de l’enquête de l’auteur, qui se met en scène parfois, et le scénario le plus probable selon elle. Et c’est là que le livre pose problème, car dès lors que le mystère de cette affaire ne peut pas être résolu puisque le mari, Xavier, a disparu et qu’il n’y a pas son corps, nulle certitude. D’autant que le récit est de parti pris, on sent la femme qui défend la femme. Qui plus est, il y a un certains nombres de faits qui ne sont pas pris en compte pour garder l’hypothèse d’une autre histoire que celle-ci, notamment le fait que la famille n’a pas pu participer à l’autopsie des corps et que des différences ont été signalées (taille, couleur des cheveux) qui laisserait douter de l’identité des victimes.

Anne-Sophie Martin a un autre projet et un parti pris : Xavier est coupable, et nous allons suivre ses pas. Sa démonstration est implacable, le récit est mené brillamment et le lecteur est pris de bout en bout. Mais sans l’élément clé — Xavier, mort ou vif —, Le Disparu restera la trame parfaite du plus plausible scénario selon cette orientation, car l’hypothèse qu’il ait dit vrai à propos d’une mise à l’abri par les services secrets américains, en raison d’une mission d’infiltration dans les milieux de la nuit qui aurait mal tournée…

Et cette hypothèse du crime de la famille par le père est menée avec maestria, sur une base documentaire solide, avec des enquêtes précises retrouvant les témoins directs et une masse de traces écrites et intimes qui appuient cette thèse d’un meurtre de toute sa famille prémédité par Xavier Dupont de Ligonnès, pris à la gorge par de graves soucis financiers et engoncé dans une morale crypto-chrétienne et un ego sur-dimensionné qui l’empêchaient de regarder la vérité en face, d’affronter l’échec de sa vie dans le regard des siens… 

Comme un très grand polar !

Loïc Di Stefano

Anne-Sophie Martin, Le Disparu, Xavier Dupont de Ligonnès, RING, août 2016, 287 pages, 18 eur

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