Les dessins du silence par Adrien : un expressionnisme de l’indicible
Paru aux Editions du Laïus, les dessins du silence, livre-confession d’Adrien du Silence raconte, en une quarantaine de dessins, l’indicible expressionnisme de la solitude et de la souffrance.
La confession dessinée par Adrien est un véritable OGNI. Un objet graphique non-identifié. Mais un OGNI remarquable de beauté et de justesse. C’est un message graphique fort, qui va au-delà d’une expérience artistique. Si intense qu’il ressort plutôt d’un chemin de vie, la quête d’une renaissance.
Une aventure éditoriale rare et une rencontre peu commune
Frédérique Labalette, son éditrice, à la tête d’une courageuse structure éditoriale régionale, Laïus, parle d’un petit miracle. Mieux, d’un choc ! Esthétique, d’abord, quand au mois de mars dernier, elle reçut, par l’entremise d’un contact dans une association d’enfants en difficulté, le manuscrit de l’artiste. Soit un recueil de dessins criants de fragilité, de vérité, composant une toile inextricable et bouleversante.
Une rencontre profondément humaine ensuite. Adrien du Silence est, en effet, le pseudonyme d’un jeune artiste belge de 30 ans. D’un artiste à part. Hypersensible, il a vécu longtemps un repli sur soi dramatique. Catatonique. Cette forme d’autisme, outre une longue période de mutisme, lui a fait connaître une vie émotionnelle douloureuse et sur-ressentie.
De cette rencontre, auteur/éditeur, véritable coup de cœur, le projet naquit spontanément. Ou presque. Car pour le soutenir, un financement participatif sur Ulule permis de pérenniser l’aventure. Et d’en faire un véritable livre-objet.
Un talent juste pour dire et montrer l’autisme
Comme c’est parfois le cas, dans les troubles liés aux comportements, à la différence et à la neurodiversité — douance, schizophrénie, autismes, dyslexie, dyscalculie — l’incompréhension du monde est au cœur des sens. Alors, l’art peut prendre le relais. Comme dans l’art brut, si mal nommé ! Ainsi Adrien, pour échapper au carcan qui le renferma trop longtemps dans sa coquille, prit crayons et pinceaux pour exprimer ses émotions.
En recomposant sa palette, en reliant ses images intérieures, en les couchant sur le papier et la toile, il fait alors surgir une histoire. Son histoire. Rendre sensible son monde. Pour ne plus être ultrasensible.
Une réouverture au monde par l’art
En détricotant lui-même sa toile, il cartographie ce qui avait habité trop souvent son univers intérieur. Et ses peurs, son effroi face à l’extérieur. Comme une main qui défroisse un papier tir-bouchonné, il remet à plat, en place, sa sphère intime. Des images sur des mots, des traits sur des moments. Des captations iconiques de l’étrangeté, de l’agité, du bruitisme qui explosent en lui. De l’au-dedans vers l’au-dehors.
Un langage sans mots
Né dans une famille d’artistes, il a choisi de tenter de réémerger par l’art, ce langage commun, cette passerelle encore en cours, entre lui et ses proches. Toutes les techniques sont alors bonnes pour exprimer ce qui le meut. Pour faire sourdre ce qui l’habite. Fusain, crayon, collage, art digital, peinture. Couleurs, noir et blanc, sépias. Et un style de naître. Un lexique. Une palette. Un langage. UN ARTISTE. La tentation est opportune de remplacer par une seule lettre, cette magie, cette réussite. Cet éveil. Qui fait passé Adrien de l’aUstiste à L’ArTISTE. Car, dès lors, Adrien ne s’arrête plus de créer, il retrouve les mots, la parole. Des raisons de parler. Il s’exprime. Enfin.
Je ne saurai décrire l’émotion réelle transmise et ressentie continument à la lecture de ce petit livre d’art. Une force incroyable, puissante, surgit tout au long du canevas des mots et des dessins. De courtes phrases en légendes, les dessins du Silence d’Adrien composent, pour le moins, un voyage vers l’inoubliable.
Topor, Tim Burton, Csernus, Giger, Bosch, Gourmelin en figures tutélaires, viendront spontanément ou pas à l’esprit des amateurs. Mais aucunes références ne pourront vous résumer cette expérience. Je vous conseille de la vivre par vous-même. Pour toucher du doigt une libération. Merci Adrien !
Marc-Olivier Amblard
Adrien du Silence, Les Dessins du silence, Editions Laïus, 18.50 euros