Tchécoslovaques en guerre, des hommes ordinaires
Un État disparu
On connaît mal l’histoire de la Tchécoslovaquie, état né en 1919 et disparu en 1993, donnant naissance à la république tchèque et à la Slovaquie. Paul Lenormand, maître de conférences à l’université Paris-Nanterre, se propose ici de raconter l’itinéraire de ces deux peuples via l’étude des militaires sur une période débutant au lendemain des accords de Munich, qui ouvre la voie au démembrement du pays au profit du IIIe Reich, et se terminant à l’écrasement du printemps de Prague en 1968. Vaste entreprise qui a demandé un gros travail de recherche sur une documentation locale. Saluons l’entreprise.
Des militaires ballotés
Paul Lenormand retrace donc la trajectoire d’un groupe qui fut très divers. Certains ont choisi de rester et de collaborer au nouvel Ordre, collaboration institutionnelle pouvant mener les slovaques à rejoindre la petite armée du régime de Jozef Tiso ; d’autres ont choisi l’exil et le combat avec les alliés. Beaucoup sont surtout restés attentistes. Contrairement à ce qui se passe par exemple en France au lendemain de la guerre, la majorité des généraux n’est pas réintégrée dans l’armée. Certains font même de la prison, punis parfois cruellement. Mais la majorité des cadres à la veille du coup de Prague en 1948 sont encore issus de l’ancienne armée d’avant 1939 (certains ont même commencé leur carrière dans l’armée austro-hongroise).
Progressivement, ils vont être remplacés par le nouveau régime communiste qui sait cependant ménager certains : après tout, les spécialistes bourgeois ont leur utilité !
Des militaires inactifs ?
Que ce soit lors des accords de Munich, l’invasion de mars 1939, lors du coup de Prague ou en 1968, l’armée ne bouge pas. Apolitiques avant-guerre, les militaires se montrent d’une rare souplesse pour accepter à chaque fois un nouvel état des choses. Rappelons qu’en septembre 1968, pas un soldat tchécoslovaque ne sort des casernes pour lutter contre les troupes du pacte de Varsovie.
Étonnant phénomène que tente d’expliquer Paul Lenormand dans Tchécoslovaques en guerre.
Sylvain Bonnet
Paul Lenormand, Tchécoslovaques en guerre, Passés composés, octobre 2023, 350 pages, 23 euros