Quitter la baie, une fable intime et écologique

Quitter la baie est un conte noir et blanc aux accents dramatiques et émotifs. Bérénice Motais de Narbonne s’inspire de son propre trouble vécu en revenant dans ses terres du Berry. Les écarts entre la mémoire, le rythme de la vie et ses évolutions sont le reflet de nos propres sentiments et inquiétudes.

S’éloigner de son quotidien

Plus tard, tu seras charmante mais moi… je vais devenir quoi, un vieux monstre poilu et sûr de moi comme mon père.

Magda habite en province, c’est une jeune adolescente un peu tourmentée depuis que son grand frère a quitté la famille pour la ville. Métastation, cette ville qui l’attire elle aussi, l’espoir de s’éloigner de son quotidien parait comme un doux rêve. 

De nature introvertie et solitaire, elle voit son corps changer, se transformer. Elle aime se retrouver, se ressourcer et s’interroger au milieu des bois, des animaux. La nature est pour elle un moyen de s’identifier. L’inquiétude de voir l’urbanisation galopante lui inflige de nouvelles angoisses. La nuit, elle quitte son corps, se transforme et s’évade de sa condition humaine qui la fait souffrir ou du moins propice à l’inquiétude et à l’interrogation. 

Bérénice Motais de Narbonne se lance dans le roman graphique noir. Après un premier passage à la bd d’humour sexuel dans Des yeux de Bitch, on la retrouve avec beaucoup plus de maturité dans ce one shot réussi. On retrouve à la fois une belle sensibilité, la volonté de témoigner du difficile passage à l’âge adulte pour une adolescente. Le prisme écologique est u complément à son scénario qui apporte plus de profondeur. Elle apporte une mise en page très contrastée qui va de l’évocation à la première personne avec des dessins dénués de détails. Pour ensuite mettre en scène des paysages et des scènes d’une grande beauté théâtrale où les textes sont absents pour nous laisser profiter du spectacle.

Xavier de la Verrie

Bérénice Motais de Narbonne, Quitter la baie, Actes Sud BD, octobre 2020, 224 pages, 23,00 eur