La laïcité, l’enjeu du futur

Philosophe, juriste et historien


Agrégé de philosophie, professeur de sciences politiques à l’université Panthéon-Assas, on connaît surtout Philippe Raynaud pour deux ouvrages : La Politesse des lumières (Gallimard, 2013) et surtout L’Esprit de la Ve République (Perrin, 2017). Dans ce dernier ouvrage, il analysait les conditions de la naissance et de l’épanouissement de l’esprit « quinto-républicain », jusqu’à son dévoiement par les partis politiques. Avec La Laïcité, histoire d’une singularité française, il se propose de revenir sur l’histoire de la laïcité « à la française », un sujet très à la mode et propice au débat (et parfois aux noms d’oiseaux).


Une histoire mouvementée


Par rapport à l’Angleterre et aux futurs Etats-Unis, la France a la particularité d’avoir été longtemps une monarchie absolue et catholique. Pour Philippe Raynaud, la légitimité de la monarchie dans ses derniers siècles était fondée sur la force de son administration et sa puissance civilisatrice. On pourrait ici nuancer son propos, tant la légitimité royale se fondait sur le catholicisme via la cérémonie du sacre. Reste que l’expérience de l’Edit de Nantes avait démontré pendant un siècle la possibilité de détacher la religion de la qualité de français.


La Révolution change durablement la situation. L’Eglise subit de plein fouet les réformes révolutionnaires avec la constitution civile du clergé ou la première séparation avec l’Etat. Si Napoléon lui rend une partie de son influence avec le Concordat, il reconnaît aussi les autres cultes : là-dessus, il se situe clairement dans la continuité révolutionnaire. Le régime concordataire survivra à son fondateur, la Restauration ne revenant pas là-dessus. Mais on méfie de l’Eglise catholique qui s’enferre dans des postures antimodernistes avec le Syllabus.

Quand les Républicains s’emparent du pouvoir, ils commencent par déconfessionnaliser l’enseignement, la grande œuvre de Jules Ferry. Puis c’est la loi de séparation de l’église et de l’Etat de 1905, plus libérale puisque donnant aux catholiques la pleine liberté de conscience et aussi de s’organiser via les associations cultuelles. La laïcité à la française c’est un Etat affranchi du religieux qui reconnait tous les cultes et les met sur un pied d’égalité, y compris l’ancienne religion majoritaire…


Les défis du futur


Or il y a désormais un autre acteur, l’Islam, qui inquiète notre chercheur. L’Islam qui est autant une religion qu’une loi, avec un texte sacré qu’on dit « incréé », contrairement à la bible et ce qui n’en facilité pas l’interprétation et/ou la critique. Or, depuis les années 80, l’Islam pose des défis, tant par sa visibilité (le voile) que par ses prétentions (la seconde religion de France réclame une place, des lieux de culte, des droits).

Face à des tenants d’une laïcité « démocrate », tel Jean Baubérot, Raynaud se montre plus proche de « républicains » tel Régis Debray ou Jean-Pierre Chevènement. Le mouvement contre le mariage pour tous a aussi favorisé l’émergence d’un catholicisme conservateur, positionné à droite (« sens commun ») qui cherche à peser sur l’échiquier politique (qu’on est loin des « cathos de gauche » des années 70 !). Reste qu’aujourd’hui la majorité de la population française (dont une partie issue de l’immigration maghrébine) est athée ou agnostique…

On comprend une chose avec ce livre : on en a pas fini avec la laïcité !

Sylvain Bonnet


Philippe Raynaud, La Laïcité, histoire d’une singularité française, Gallimard « l’esprit de la cité », février 2019, pages, 21 €

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