Un siècle d’animation japonaise

Même si l’animation française a le vent en poupe dans l’animation moderne et que certains films majeurs sont nés ici (La Planète sauvage de René Laloux [1973], Le Roi et l’oiseau de Paul Grimault [1980]),  l’importance culturelle de l’animation japonaise est sans conteste la seule qui puisse rivaliser avec le géant américain Disney. Si l’on a pu se moquer, un temps, des japanimation aux images fixes, seul le Japon a pu imposer des genres et des œuvres à la portée universelle.

C’est le grand spécialiste Matthieu Pinon, déjà auteur d’une Histoire du manga moderne, associé à son compère Philippe Bunel, qui nous fait entrer dans cette histoire maintenant séculaire.

 

 

Une Histoire en quatre grandes périodes

Structuré comme un vrai livre d’histoire, qu’il est par ailleurs, Un siècle d’animation japonaise se décompose en quatre grandes périodes historiques.

1917-1957, naissance du cinéma d’animation japonaise, en noir et blanc, qui puise d’abord ses sources dans la culture traditionnelle et trouve un nouveau marché avec les balbutiements de la télévision. Si tous les éléments des grands genres sont déjà là, on sent que le cinéma d’animation reste encore au stade artisanal. Mais c’est une période très importante car c’est alors que naît la conscience de l’impact de l’animation sur le public, qu’il soit jeune ou moins jeune.

1958-1982, l’arrivée de la couleur et surtout le rôle de premier plan que prend la télévision comme média de masse auquel il faut fournir une quantité toujours plus importante d’image. C’est l’essor de l’industrialisation des techniques mais aussi de l’émergence de vrai talents qui vont faire leurs premières armes dans le rythme imposé et les moyens limités, pour ensuite développer leur propre studio : Ghibli !

1983-1995, période de grande mutation où a télévision et le cinéma s’opposent de plus en plus nettement. D’un côté, le rythme et la nécessité de fidéliser le public, donc de lui donner ce qu’il aime sans forcément chercher à innover même si on voit des genres connus se renouveler (comme la magical girl par exemple, où Gigi joue un rôle important en ajoutant une touche adulte mais en gardant le principe fondateur de la petite fée moderne). C’est aussi l’arrivée des séries sans fin basée sur le shonen (bagarre) et le leveling (les personnages s’améliorent d’épisodes en épisodes), comme l’emblématique Dragon Ball. De l’autre, le cinéma qui se cherche encore mais réussit à imposer quelques œuvres magistrales devenus des classiques, comme Akira, Le Tombeau des lucioles, mon voisin Totoro, autant de réussites magistrales qui prennent leur temps et jouent plus sur les émotions que sur le rythme.

1996-2017, l’ère du numérique, comme une nouvelle grande révolution qui, d’abord, libère les artistes des contraintes matérielles. C’est aussi la période d’un renouveau dans l’imaginaire, mais aussi d’un retour aux traditions nationales.

Chaque période est étudiée très précisément avec des sous-chapitres thématiques vraiment bien organisés, à la fin desquels on retrouve une courte présentation des titres phares de la période, par leur importance culturelle ou leur succès d’audience. Chaque titre est aussi lié à son sous-genre et renvoie à d’autres qui lui sont proches, pour insister sur leur véritable portée culturelle.

 

 

Un livre pour fans et grands-enfants

Comme toujours, dans cette histoire de l’animation les « grands enfants » iront chercher ce qui correspond à la période la plus heureuse de leur vie télévisuelle (et pour ma part j’ai été vérifier tout le bien qui pouvait être dit de Cobra, Albator, etc.). Toute la génération « Dorothée » s’y reconnaîtra et les plus jeunes aussi. Et tout y est, les séries comme les films, et l’on cherchera en vain ce titre particulier qui aurait été oublié…

Mais il faut reconnaître qu’on est loin des art-books et des livres pour fans seuls : c’est un vrai travail d’historien de l’image, des techniques, des médias et pour ainsi dire une grande étude sociale. Car c’est bien de l’animation japonaise que sont nés les modes du Cosplay, avec quelques déviances comme le comportement monomaniaque des otakus et la marchandisation des idol (chanteuses pop sexy et éphémères).

 

 

 

 

Un siècle d’animation japonaise est ne vraie mine d’or mais surtout une réflexion nourrie  sur révolution d’un genre, son implication dans le siècle, la manière dont il a pu rendre compte des grands événements et aussi la manière dont il est lui-même moteur pour des générations entières. L’animation est un enrichissement culturel majeur qui trouve deux justifications aux yeux des sceptiques : l’adaptation en cinéma avec acteurs (Ghost in the Shell, par exemple) et le succès des festivals (Animasia, par exemple).

Ce beau travail, qui fera référence, d’analyse et cette somme incroyable de connaissance, dan un livre accessible et beau, rend un très bel hommage à cette pop-culture à part entière qu’est le cinéma d’animation japonaise.

 

Loïc Di Stefano

Matthieu Pinon et Philippe Bunel, Un siècle d’animation japonaise, Ynnis éditions, décembre 2017, 207 pages, index, glossaire, 29,90 euros

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