Les momies, ces fascinants cadavres emmaillotés
Si l’égyptomanie, née avec l’expédition de Bonaparte en 1798 peut agacer, on doit reconnaître que l’Egypte fascine par son défi lancé à la mort. Les mastabas, les pyramides et les momies que ces édifices abritent en témoignent. Le numéro de la collection Découvertes Gallimard qui leur est consacré, Les momies, Un voyage dans l’éternité, est réédité dans une mise à jour de 2007. On le doit à l’égyptologue Françoise Dunand et au radiologue Roger Lichtenberg, qui a procédé à l’étude de la momie de Ramsès II, envoyée à Paris en 1976.

L’ouvrage rassemble les connaissances sur la question : les origines de la momification – sans doute fortuites -, leur processus connu depuis Hérodote, les riches tombes de pharaons, leur pillage, l’existence de cette pratique rituelle à une plus vaste échelle de la population, la momification des animaux par centaines de milliers d’exvotos.
Une documentation précise et une riche iconographie
Les portraits de momies présentés en pleine page avant le texte, constituent une entrée en matière saisissante tant, sous la peau desséchée et collée aux os, on croit percevoir les traits d’une personne croisée dans sa vie. L’opposition entre le macabre du corps décharné et la splendeur de ses atours, sarcophages, masques d’or, bijoux et portraits peints, ceux du Fayoum en particulier, est parfaitement évoquée dans l’ouvrage à l’iconographie très riche malgré la petitesse du format. S’y côtoient des photographies grisées des premières découvertes de tombes, et des clichés plus récents de pièces de musées rutilantes ou de peintures étonnantes de réalisme.
Du sensationnel à la science
« Les séances de débandelettage, organisées tout au long du XIXe siècle comme de véritables spectacles […] n’avaient pas grand-chose de scientifique ».
Le livre retrace comment, à partir du début du milieu du XIXe, l’archéologie passe de l’amateurisme et du sensationnalisme à une pratique scientifique. La rigueur de savants comme Mariette ou Maspero saura tirer profit de la radiologie, technique qui au cours de son évolution est d’un intérêt majeur pour une exploration toujours plus approfondie des masses et structures internes, impossibles à sonder sans endommager les restes emmaillotés. Associée à des sciences comme l’étude des tissus humains ou histologie, et autres analyses chimiques ou biologiques, elle permet de rectifier des erreurs d’interprétation précédentes et d’expliquer de nombreuses bizarreries, dues à des blessures, des maladies, un geste malencontreux des embaumeurs, comme la tête extrêmement droite ou les bras décollés de la momie de Ramsès II. Plus généralement, ces études permettent d’en savoir davantage sur les origines des populations, leurs conditions de vie et maladies, leur alimentation ou espérance de vie.
« Les momies sont des cadavres… A ce titre, les techniques de la médecine légale leur ont été appliquées depuis que leur étude scientifique a débuté. Une étude en pointe, celle de l’ADN […] principal support de l’hérédité, est à l’heure actuelle pratiquée de plus en plus couramment. »
Il va sans dire que rien ne vaut la visite d’un musée pour une « rencontre » véritable avec ces restes humains. Nous avons le Louvre, richement doté, tandis que le musée du Caire, en travaux depuis vingt ans, vient de rouvrir avec une exposition sur Toutankhamon.
Mais si l’Egypte est emblématique de la momification, on ne saurait ignorer, que cette pratique n’est pas circonscrite à l’Egypte antique, ce que mentionne brièvement le présent ouvrage.
Pour en savoir plus sur ses variations et fonctions diverses à travers d’autres civilisations jusqu’à aujourd’hui, une exposition se tient au Musée de l’homme jusqu’au 25 mai intitulée sobrement « Momies ».
Florence Ouvrard
François Dunand & Roger Lichtenberg, Les momies, un voyage dans l’éternité, Découvertes Gallimard, novembre 2025, 144 pages, 15,80 euros
