Nicolas II et Raspoutine, attraction fatale
Auteur de La guerre civile russe (Perrin, 2017) et de De Gaulle et la Russie (Perrin, 2022), Alexandre Jevakhoff est descendant d’une famille noble russe, ancien élève de l’ENA devenu historien. Ici, il se propose de revenir sur la relation étrange entre Nicolas II, le dernier des tsars, et le starets Raspoutine, auto-proclamé guérisseur du tsarévitch Alexis atteint d’hémophilie.
Une rencontre inattendue

Rien en effet ne prédestinait en effet l’héritier d’Alexandre III à rencontrer un moine obscur. Le futur Nicolas II grandit à la cour, sans particulièrement briller. On peut dire que son éducation ne l’a pas bien préparé à devenir tsar. Son père Alexandre III l’informe peu et gouverne avec ses ministres d’une main de fer son immense empire. « Nikki » sort, s’amuse, tombe amoureux. Il s’attache particulièrement à une cousine allemande, Alix de Hesse, qui refuse cependant de l’épouser à cause de leur différence de religion… mais ça ne tient pas et elle finit par se laisser convaincre. Nikki arrache le consentement de ses parents, qui le voyaient plutôt épouser une princesse d’Orléans (drôle d’idée pour renforcer l’alliance avec la France républicaine). Le mariage a lieu après la mort de son père Alexandre III. De fait, c’est un mariage heureux, les deux époux étant profondément amoureux l’un de l’autre. Raspoutine, lui, est un sibérien. Mystique, il choisit de devenir moine. Peu à peu, il va se rapprocher des cercles aristocratiques empreint d’une religiosité intense…
Un tsar en péril
Nicolas II se veut un monarque pacifique. Jeune, il a visité le Japon et en gardé de très bons souvenirs. Mais la Russie et le Japon sont rivales en Chine. Tokyo décide de vider l’abcès en 1904 et bat les troupes russes présentes en Extrême-Orient. Les renforts tardent, le transsibérien n’est pas achevé et Port-Arthur tombe tandis que la flotte russe est écrasée dans le détroit de Tsushima. L’autocratie est ébranlée par cette défaite et les troubles révolutionnaires de 1905 manquent de l’emporter. Nicolas II sauve son trône grâce à l’action de son ministre Witte, accepte la création de la Douma… mais la mutation constitutionnelle est inachevée. Witte part, Stolypine, plus conservateur, lui succède. Nicolas II doit faire face à la maladie de son fils et Raspoutine s’impose peu à peu auprès de la tsarine : il l’apaise, prie pour Alexis. Raspoutine est un lien avec ce peuple que Nicolas II connaît mal mais dont il se sent le seul représentant. Le moine devient incontournable et contribue, malgré lui, à la perte de légitimité, d’abord vis-à-vis des cercles dirigeants, du couple impérial sur lequel circulent rumeurs et fake news. La grande guerre éclate, la Russie lance son offensive en Prusse-Orientale qui contribue à sauver Paris… Mais qui est une défaite, la première d’une série qui va amener à la perte de la Pologne. L’offensive Broussilov en 1916 amène l’Autriche-Hongrie au bord du gouffre mais ne permet pas une défaite de l’Allemagne. A la fin 1916, Raspoutine est assassiné et trois mois plus tard, le tsar, déconsidéré, abdique. Fatalité.
Sylvain Bonnet
Alexandre Jevakhoff, Nicolas II et Raspoutine, Perrin, novembre 2025, 400 pages, 25 euros
