Les guerres secrètes des fourmis, sexe, meurtres et invasions territoriales

Une myrmécologue brillante et militante

Une quoi ? Les myrmécologues sont les biologistes qui étudient les fourmis. Je vous rassure, je ne connaissais pas ce mot non plus. C’est déjà l’information la plus importante à retenir, car tout l’ouvrage va tourner autour du travail exercé par son auteur, Cleo Bertelsmeier. Elle s’est consacrée à des études de biologie à l’Université d’Oxford, suivies d’un doctorat sur l’impact du changement climatique sur les invasions de fourmis à l’Université Paris Sud. Elle se trouve actuellement professeure au Département  d’écologie et évolution de l’Université de Lausanne.

Les Guerres secrètes des fourmis est le premier ouvrage de Cleo Bertelsmeier. Elle met à la portée des néophytes, souvent avec humour, les informations importantes et les dernières recherches sur le fonctionnement des sociétés des fourmis.

La fourmilière, une société parfaite ?

La vie et l’organisation des fourmis ont souvent été comparées à la société humaine à cause de nombreuses similitudes. Il a même été considéré que les fourmis et leur stricte répartition des tâches constituaient un avantage sociétal considérable par rapport à l’humain.

Or, la vérité est tout autre. Il règne au sein de cette apparente organisation idéale des guerres, des stratégies mises en oeuvre afin de conquérir ou défendre les territoires, aussi diaboliques que celles pratiquées par l’Homme, et parfois aussi diplomatiques.

Organisation et mythes

Le mystère central des fourmis est qu’il n’y a pas de gestion. Cette absence d’organisation explicite signifie qu’il n’y a pas de but d’un point de vue d’une fourmi individuelle.

De nombreux hommes politiques, religieux ou autres ont essayé d’utiliser les caractéristiques des fourmis afin de rallier leur auditoire à leur cause. Or, dans la majeure partie des cas, nos connaissances sur les fourmis étaient si insuffisantes qu’à la lumière de ce que nous savons désormais, ces arguments étaient inexacts.

La guerre des sexes

Nous apprenons par exemple que la reine n’est pas une dirigeante, simplement, la mère, la pondeuse de la colonie. La découverte de l’importance des femelles qui occupent tous les postes jusqu’à ceux de guerriers a fait s’interroger les hommes vers 1920 sur une éventuelle société humaine dirigée par les femmes, peut être à l’origine de l’évolution du statut de la femme (droit de vote, etc.).

Par la suite, Cleo Bertelsmeier nous explique « la guerre des sexes » des fourmis, précisant la façon dont elles se reproduisent, d’une façon tout à fait extraordinaire en jouant avec le matériel génétique, de même que malgré que les mâles soient pour la plupart chétifs et inoffensifs, il existe l’exception de mâles combattants qui forcent leurs jeunes frères à utiliser un déguisement chimique et supporter des tentatives d’accouplement. Ou encore, des mâles qui s’accouplent sans l’accord direct avec des femelles encore au stade larvaire, qui ne peuvent échapper à l’acte sexuel.

Certaines espèces pratiquent la reproduction sexuée, d’autres la reproduction asexuée, et des dernières qui parviennent à se servir des deux modes de reproduction à leur avantage. 

Toutes ces informations ont été recueillis lors de recherches très poussées. Cleo Bertelsmeier poursuivra notre initiation en évoquant la lutte des classes, les conflits entre colonies, et la vie en communauté. Elle aborde même des thèmes surprenants chez les fourmis tels que le racisme et l’esclavage.

Une immersion passionnante dans l’univers du tout petit

Cleo Bertelsmeier nous fascine et parvient à nous happer dans son monde. Elle n’hésite pas à s’appuyer sur de références humoristiques et culturelles, comme Games of Thrones. Elle élargit le sujet sur l’environnement, et sur l’importance de nos actes sur cette société presque invisible.

Il s’agit d’un ouvrage absolument incontournable pour qui s’intéresse à la biologie animale. Mais également à l’environnement. Les curieux pourront y trouver leur compte en découvrant que les fourmis ne sont vraiment pas telles que nous l’avons pensé, voire même comme on nous l’a enseigné à l’école ces dernières années.

Minarii Le Fichant

Cleo Bertelsmeier, Les Guerres secrètes des fourmis, octobre 2019, Favre, 210 pages, nombreuses illustrations couleur, 22 eur


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