Des vagues sur la baie d’Arcachon
Personnalité du Bassin d’Arcachon, notamment pour ses magnifiques bateaux, Fabrice Duffour utilise le roman policier et l’humour pour rappeler, sur fond de désordre écologique, que le Bassin doit rester la préoccupation de tous et doit être le lieu ou tous ses amoureux et usagers doivent vivre ensemble. Car si le tsunami qu’il imagine déferler soudain et faire du Bassin une baie fermée et lieu où survivre,
Des vagues sur la baie d’Arcachon est un roman qui, mine de rien, vous offre à la fois une belle enquête policière, une belle histoire d’hommes et surtout met en lumière tous ces problèmes quotidiens que le touriste méconnaît. Ce n’est pas un Arcachon pour Chantal Thomas à étirer mollement ses souvenirs de jeunesse sur la plage bourgeoisement protégée de toute forme de vie réelle, avec ses petits soucis de petite fille. C’est un bassin d’hommes en confits, entre les plaisanciers et les ostréiculteurs, entre les écologistes et les promoteurs, entre les touristes et les natifs. C’est un microcosme bouillonnant qu’un rien peut faire imploser. Ce « rien », ce sera pour Fabrice Duffour un tsunami, image idéale d’une force incontrôlable et neutre qui dévaste tout et permet une manière de table rase. Mis à nu, le Bassin et ses habitants sont à présent forcés de regarder les problèmes en face et d’avancer ensemble pour leur survie. Quand la dévastation permet la coexistence !
Entretien avec Fabrice Duffour
Il m’avait semblé que vous aimiez le Bassin. Mais pourquoi le malmenez-vous autant ?
C’est vrai que ce bassin que j’aime, je le malmène quelque peu, dans la tradition du « qui aime bien châtie bien » mais il en restera à la fin une baie magnifique, faisant même oublier le mot bassin, masculin de bassine, cousin du pistolet d’urine à l’ hôpital.
Et si un cataclysme du même genre, fermait en partie de célèbres baies, j’imagine mal que nous partions en voyages demain, sur le bassin d’Along ou le bassin de Diégo Suarez.
Comment vous est venue cette idée très improbable d’un tsunami sur le Bassin ?
Bien sur cette vague est bien improbable, mais c’est bien ce que se sont toujours dit les insulaires de Ko Samoui, ou j’ai pu voir les sinistres traces au troisième étage des immeubles. Les habitants d’Artouste il y a une quarantaine d’année, au calme dans leur petit village des Pyrénées ne s’attendaient certainement pas à un tremblement de terre aussi soudain et dévastateur.
Et puis je suis un marin, et bien placé pour savoir que la mer n’a aucun égard dans ses caprices.
Par ailleurs, les voileux traitent avec le plus grand mépris, les bateaux à moteurs, de « machine à vagues », et moi qui suis concepteur de ce genre de machine, je pouvais m’offrir le luxe en fin de carrière de créer une vrai belle vague !
La vague, ou plutôt le démon, est entré chargée de toute la violence de l’océan, et s’est armée de tout ce qu’elle arrachait à la terre sur son passage. Rasant la végétation de l’île, dévorant dans son ire les cabanes, décollant les perrés des terrasses, tout cet amas de matériaux charroyés a décuplé la force de destruction de la mer. Chaque élément nouveau emporté devant une arme supplémentaire pour attaquer tout ce qui pouvait encore entraver cette inéluctable progression. »
Des vagues sur la baie d’Arcachon est aussi un hommage et un voyage touristique. Fallait-il en passer par la forme du roman pour dire votre amour du Bassin ? Le roman vous apporte-t-il une liberté de parole que vous n’auriez pas sinon ?
Il fallait sans doute l’écriture d’une histoire un peu folle pour que je puisse me placer en dehors de la case, ou l’on m’a enfermé, et dans laquelle j’ai construit ma notoriété, celle de concepteur de bateau.
De cette façon, j’ai pu me lâcher sur l’inculture des plaisanciers à l’endroit de ce lieu magique et fragile, la tête prêt du bonnet d’un certain nombre de nos paysans de la mer, et le bien fondé de la prise de conscience écologique, desservie par les ambitions de politiques inutilement colorées.
Et chacun des pieds de ce trièdre des locataires de ce beau bassin, cherche à chausser plus grand que les deux autres. Mais la nature est bien faite, et sur le bassin, il faut enfiler les patins a vase, et là…, bien difficile de faire la course en tête !
Finalement, mon roman, se veut optimiste de cette cohabitation qu’il faudra de plus, adroitement contrôler pour que chacun de nos enfants y trouve son compte.
Optimiste, oui, mais vous mettez face à face et assez violemment les ostréiculteurs et les plaisanciers. Comme si l’enfermement dans ce Bassin devenu une Baie faisait ressortir les problèmes existants.
L’opposition, n’est pas plus vive qu’avant le tsunami, mais les perspectives de reconstruction attisent les particularismes, les convoitises de chacun, et les idéaux extrémistes des écolos, façon notre dame des passes, ou plutôt des… Landes.
Des écolos se débattant dans des partis politiques comme des enfants, et déçus de leurs échecs, retournent dans leur bac a sable en brayant contre les adultes qui ne construisent pas que des châteaux de sable.
Il y a beaucoup de « littérature » autour du Bassin. Avez-vous des auteurs de prédilection qui vous auraient accompagné pendant l’écriture ?
Il parait que bon nombre de marins ne savent pas nager, j en fais un peu parti.
De plus je serai un auteur qui ne sait pas lire, ou plutôt qui n’a jamais pris le temps. Quelques San Antonio en vacances, pas vraiment de la littérature du Bassin.
Je n’ai pas souvenir de pages, ou Berrurier s’empiffre a pleine mains de langoustes mayonnaise, à la terrasse de Diégo Plage, pas plus que du commissaire SA, adressant un clin d’œil plein de sous entendu a la belle Florence, la patronne.
Propos recueillis par Loïc Di Stefano
Fabrice Duffour, Des vagues sur la baie d’Arcachon, Vents salés, mai 2017, 366 pages, 19,90 eur