Ma ZAD, le coup de poing de Pouy

Une vie pour le polar

Ah Jean-Bernard Pouy… On lui doit de nombreuses réussites comme La belle de Fontenay, RN 86 ou Spinoza encule Hegel (rien que le titre, c’est déjà une ambiance !). Il a aussi écrit des recueils de nouvelles en collaboration avec Marc Villard chez Rivages : Ping Pong en 2005 et Tohu-bohu en 2008 sont des preuves de la vitalité créative de Pouy. Et il n’hésite pas à écrire avec d’autres, que cela soit avec Patrick Raynal avec La farce du destin (Les contrebandiers éditeurs, 2004) ou La vie duraille avec encore Raynal et Daniel Pennac en 1985. Eh oui, c’est Pouy qui a amené Pennac à la Série Noire qui a publié les premiers Malaussène dont La fée carabine. Sa carrière de découvreur de talents était ancienne puisqu’on lui doit aussi d’avoir « éveillé » Maurice G. Dantec lors d’ateliers d’écritures dans les années 70. Avec Ma ZAD, Pouy signe son retour à la série noire, dont il est, on va vite le voir, un des gardiens.

 

Comment sortir de la crise de la quarantaine

De Camille Destroit, responsable des achats du rayon frais à l’hyper de Cassel, on peut dire qu’il a raté sa vie. Sa femme l’a quitté, il vit une relation avec Marie, une libraire accorte qui n’hésite pas non plus à le quitter pour suivre sa famille dans le Tarn. Et puis le voilà licencié. De ses parents il a hérité une ferme qui tombe en morceaux. Sa rencontre avec de jeunes zadistes le requinque un peu. Il les aide, leur donne des coups de mains. Camille, en mal de causes à défendre, remplit sa vie de la cause des zadistes. Et puis il y a Claire, la jolie Claire dont il s’amourache. Claire cache des secrets. Bientôt il comprendra qu’elle est liée à la famille Valter, des pontes de la grande distribution, adversaires des zadistes. Fais gaffe, Camille, à ne pas te faire avoir…

 

Du noir, de la cogne et de l’amour

On a rédigé un résumé digne des séries noires d’antan, ceux des années 70-80, l’âge d’or de Manchette, Siniac et d’autres. Pouy n’a pas grand-chose à voir avec le behaviorisme de Jean-Patrick mais il partage comme lui la critique sociale : pas de roman noir sans critique sociale chers amis (même Ellroy en fait). Pouy manie la langue argotique avec maestria, se rapprochant là d’un Pierre Siniac, maître du genre. C’est savoureux à lire, comme un bon vin qui pique un peu et qui réveille les sens endormis. Enfin, Pouy nous déniche une femme fatale (il se rappelle de Chandler), au début bien improbable. Claire séduit le lecteur. Ah les belles ingénues radicales ! Comme dirait Gainsbourg, « il faut prendre les femmes pour ce qu’elles ne sont pas et les laisser pour ce qu’elles sont », dommage que Camille ne s’en soit pas souvenu. Ma ZAD est un excellent roman noir, qui colle à l’actualité de Notre dame des Landes. A savourer.

 

 

Sylvain Bonnet

 

Jean-Bernard Pouy, Ma ZAD, Gallimard Série noire, janvier 2018, 208 pages, 18 euros

 

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