Les troupes coloniales, un outil de la puissance impériale française

Professeure en histoire contemporaine à l’université de Lorraine, membre de l’académie des sciences d’outre-mer, Julie d’Andurain est une spécialiste du phénomène colonial Elle a signé récemment une biographie du général Gouraud (Perrin, 2022) et s’intéresse ici aux troupes coloniales. Dans l’esprit de beaucoup, les troupes coloniales se résument aux tirailleurs sénégalais. Et bien pas que !

A l’origine, des troupes de marine

Si on met de côté les Zouaves nés durant la conquête de l’Algérie, on trouve en fait des troupes de marine, marsouins et bigors, à l’origine de la « colo ». L’expansion coloniale des années 1870 et 1880 impose à la France de disposer de troupes pouvant servir rapidement comme corps expéditionnaire et c’est la marine qui les fournit, dans un premier temps. L’occupation de ces territoires impose une présence militaire mais les européens sont vulnérables sur le plan sanitaire : la conquête de Madagascar le démontre. À côté d’européens (qui représenteront toujours une part de l’effectif), on recrute ainsi des « indigènes » : sénégalais, annamites, malgaches, marocains. Leur mission est de garantir la souveraineté française dans les colonies. Et ça marche, du moins un temps, sous l’égide d’officiers comme Gallieni, Joffre, Lyautey et Gouraud bien sûr.

Des troupes nécessaires mais mal aimées

Envoyées sur le front durant la Grande guerre, les troupes coloniales remplissent leur devoir mais l’après-guerre et les contraintes budgétaires pose bien des questions : doit-on les rattacher à l’armée traditionnelle ? Les effectifs doivent-ils baisser ? On les déploie lors de l’occupation de la Rhénanie puis en Syrie dans le cadre du mandat, ou au Maroc face à Abdelkrim : ils épousent ainsi les vicissitudes de la politique étrangère française. La « Coloniale » a ses officiers qui essaient de jouer un rôle auprès des politiques afin d’obtenir un renforcement de leurs moyens. La seconde guerre mondiale est une épreuve même où beaucoup de soldats laisseront leur vie (y compris lors des massacres commis par les allemands contre les prisonniers sénégalais). Lorsque les indépendances viendront, on les rebaptisera troupes d’outre-mer. Voici une page d’histoire méconnue.

Sylvain Bonnet

Julie d’Andurain, Les troupes coloniales, Passés composés, février 2024, 380 pages, 24 euros

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