Chevreuil de Sébastien Gendron : noire addiction

Sébastien Gendron est un auteur prolifique : plus d’une dizaine de romans depuis Quelque chose pour le week-end (Baleine, 2011) à Chez Paradis (Gallimard, 2022). Il s’est ancré dans le polar, tendance roman noir, très noir. Et Chevreuil, paru dans la collection « La noire », s’inscrit dans cette veine.

France profonde

Quelque part dans un village français du Sud-Ouest, très franchouillard, tandis qu’on colle des affiches pour Éric Zemmour, Connor Digby, écrivain anglais, vit tranquillement, trop tranquillement.

Connor range l’Eldorado en marche arrière. Il rabat la capote. Il claque la portière et ça fait le bruit d’un couvercle en fer-blanc. Il ferme le battant droit de la grange. En traversant le seuil pour attraper le gauche, il la regarde encore une fois, et encore une fois, il se dit qu’elle est moche. Même là, avec les tubes de lumière poussiéreuse qui lui tombent dessus depuis la verrière, sa peinture impeccable, son pare-brise sans même une mouche décalquée dessus, elle est moche.

Et le voilà qu’une rouquine nommé Marceline sonne à sa porte, elle a besoin d’être dépannée. Sauf qu’ils regardent, elle le chambre à cause de son prénom qui lui fait penser à Eleanor Rigby des Beatles… et c’est le choc, ils finissent au lit. Ils passent leur temps à faire l’amour même. Et c’est booooon. Sauf qu’au village, les gens se méfient beaucoup de Connor. Et maintenant de sa rouquine. La bêtise commune. Et voilà Marceline, qui fuit son mari criminel, et Connor, qui n’en finit pas d’oublier sa femme June (on comprendra pourquoi en lisant cet excellent roman), ne vont pas se laisser faire. Le grand bazar commence…

Un roman outrancièrement savoureux

Chevreuil se déguste. Quand on lit beaucoup, on finit par être blasé par le gros de la production. Non que tout soit mauvais mais on est souvent pour beaucoup de romans dans une honnête moyenne, un peu insipide et souvent sans goût. Chevreuil, on peut le dire sans complexe, défouraille sec, avec de surcroit des personnages très attachants, comme ce Connor qui parle français comme Jane Birkin : c’est mon problème car je suis anglophile et j’adore Jane (mais je suis aussi anglophobe à cause de Napoléon, c’est une autre histoire). Sébastien Gendron est un romancier glaçant et aussi amusant, drôle de cocktail !

Très bon roman, très bonne satire de notre temps que ce Chevreuil, cher lecteur, et tu ne dois pas passer à côté. Crois-moi, tu ne le regretteras pas.

Sylvain Bonnet

Sébastien Gendron, Chevreuil, Gallimard « La Noire », janvier 2024, 352 pages, 20 euros

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