Munich 1938, le mystère d’une avant-guerre

Diplomate, membre de l’académie française et déjà auteur d’une biographie de Mussolini (Perrin, 2021) qui a reçu le Grand Prix de la biographie politique et le prix du Nouveau Cercle de l’Union, Maurizio Serra publie ici un nouveau livre sur la conférence de Munich en 1938, de sinistre mémoire puisqu’elle livra les Sudètes, région germanophone, à Hitler et prépara le dépeçage de la Tchécoslovaquie, pays allié de la France. Mais le sujet n’a-t-il pas déjà été traité bien des fois ?

Les dessous d’une conférence

Au fond, un des grands intérêts de l’ouvrage comment la conférence a bien pu avoir lieu. Et finalement, Munich cache bien des choses. On connaît la politique d’apaisement de Neville Chamberlain et les mauvaises relations entre français et britanniques, même en pleine conférence. On sait moins au fond qu’un des instigateurs de la conférence n’est autre que Mussolini lui-même. Ce dernier n’est pas encore complètement rallié au IIIe Reich. Il hésite, conscient des faiblesses de son armée, conscient aussi que les ambitions nazies ne correspondent pas aux intérêts de l’Italie. Mussolini veut éviter la guerre, analyser les réactions des démocraties, donner sa chance à un plan… qu’Hitler jettera aux orties en entrant à Prague en mars 1939. Intéressant aussi est de voir Roosevelt en coulisse, soutenant Chamberlain et sa politique d’une main tout en s’inquiétant de la montée des nazis : ligoté par un Congrès isolationniste, il ne peut rien faire. Que dire de Staline et de l’URSS, pas présent à la conférence et qui tire du rapport de forces de la conférence qu’Hitler est désormais l’homme fort du continent… Munich prépare le pacte germano-soviétique.

Des chefs de gouvernement prisonniers de leurs opinions et de leurs illusions ?

Et Chamberlain ? Daladier ? Le récit offert par Serra nous les montre tour à tour. Chamberlain est persuadé qu’il peut sauver la paix, que les Sudètes ne valent pas le prix d’une guerre. Il pense sincèrement pouvoir s’entendre avec Hitler et arriver à un accord juste. Lourde erreur, partagée peu ou prou par les élites britanniques. Daladier est plus lucide mais il est prisonnier de ses choix : ne rien faire sans Londres, tenir compte de l’avis des généraux français (Gamelin, une fois de plus très pessimiste, ne tient pas compte du potentiel militaire tchécoslovaque, craint de la Wehrmacht) et surtout d’une opinion massivement pacifiste. Les Tchèques firent les frais de l’accord et, après-guerre, tomberont dans l’orbite politique soviétique…

Ouvrage vivant et écrit avec clarté.

Sylvain Bonnet

Maurizio Serra, Munich 1938, Perrin, avril 2024, 400 pages, 25 euros

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