Ennemis héréditaires ? Deux pays côte à côte ou le dialogue franco-allemand

Une historienne française et un historien allemand

Professeur à Sorbonne-Université, Hélène Miard-Delacroix est une spécialiste de l’histoire de l’Allemagne à qui on doit une biographie de Willy Brandt (Fayard, 2013). Andreas Wirsching est quant à lui professeur à l’université de Munich et concentre ses travaux sur la comparaison des histoires allemande et française au XXe siècle. Autant dire qu’ils sont tous les deux aptes à juger de la relation forte et contrastée qui unit, parfois malgré eux les deux pays.  

Une grande méprise

Il faut ici rappeler que l’ennemi héréditaire de la France, historiquement, fut l’Angleterre, avec qui les liens culturels, féodaux, politiques furent quasi-fusionnels pendant longtemps. Les deux auteurs rappellent aussi avec justesse combien le royaume de France (important à rappeler, on ne peut ici parler de nation française, encore en formation) est vite devenu une puissance agressive par rapport à un monde germanique divisé religieusement et politiquement. L’annexion de l’Alsace et de Strasbourg, le ravage du Palatinat sous Louis XIV ont traumatisé les élites allemandes : elles s’en souviendront jusqu’en 1870 pour justifier l’annexion de l’Alsace-Lorraine. Quant à la France, ses élites culturelles ont longtemps eu une image idéalisée de l’Allemagne, pays de haute culture (même moi j’aime la musique classique allemande, je ne peux m’en passer), pacifique et divisé en plusieurs états… et puis vint la guerre de 70 et l’humiliation de la France.  

Une relation conflictuelle

En 1870 commence un cycle guerrier, comme le notent les auteurs, qui structure l’Europe. Pour autant, l’Allemagne devient aussi un modèle à suivre pour la France, en matière d’éducation par exemple (après que la France ait été un modèle pour les états allemands, dont la Prusse). Si jamais France et Allemagne ne se réconcilièrent, la grande guerre arrive pourtant par accident, à cause de la mort d’un archiduc autrichien à Sarajevo. L’incompréhension franco-allemande grandit après la victoire des alliés en 1918, la France se montrant intransigeante dans l’exécution des clauses du traité de Versailles. Pourtant il y aura les accords de Locarno qui, malgré les arrière-pensées de Stresemann, sont une occasion manquée de réconciliation. Et puis arrive Hitler, la seconde guerre mondiale…  

Réconciliation

Aujourd’hui existe cahin-caha le couple franco-allemand. Il dépend beaucoup de l’alchimie des personnes : Adenauer et de Gaulle, Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl. Il y a eu aussi des couples dysfonctionnels comme Hollande et Merkel… En tout cas il existe. Nous verrons, face à la pandémie de la covid 19, s’il fera preuve de sa résilience…  

Sylvain Bonnet

Hélène Miard-Delacroix & Andreas Wirsching, Ennemis héréditaires ? Un dialogue franco-allemand, Fayard, octobre 2020, 216 pages, 20 eur

Laisser un commentaire