Le Parlement, temple de la République : le moins mauvais des systèmes
L’auteur est un juriste, Benjamin Morel, habitué des plateaux télévisés. Il se propose ici de raconter l’histoire du parlement français, à un moment où la dissolution a acté l’absence de majorité et la nécessité de monter des coalitions, situation que la France n’aurait jamais connue : vraiment ?
De la Révolution à la IIIe République
De fait, c’est en 1789 que naît la première assemblée constituante, composée des membres des états généraux, base d’un système représentatif. C’est là que les voix de stentor se font le plus attendre vu la configuration des lieux (un fait négligé par l’historiographie). Un grand nombre de représentants meurt sous la guillotine, ce qui n’empêche pas le système d’assemblées de se perpétuer sous le Directoire et même sous la Consulat et l’Empire : c’est d’ailleurs une assemblée de notables, le Sénat, qui proclame la déchéance de Napoléon, entériné par le corps législatif.
La Restauration et la monarchie de Juillet acclimatent ensuite définitivement le parlementarisme en France sous une forme bicamérale, instaurant le vote du budget par article, avec des députés élus au suffrage censitaire (les pairs sont héréditaires, puis à vie). La Révolution de 1848 supprime ces assemblées… mais les mœurs parlementaires ressuscitent sous la IIe République jusqu’au coup d’état du futur Napoléon III. Ce dernier, on le sait moins, après une phase autoritaire, restaure en grande partie un système parlementaire, la responsabilité du ministère en moins… quant à la IIIe République, c’est l’âge d’or du parlementarisme et du système représentatif, avec des coalitions plus ou moins stables… et aussi certaines affaires qui font monter l’antiparlementarisme. Sans compter les blocages politiques des années trente.
Permanence du système parlementaire
Si l’instabilité de la IVe République, alimentée aussi par les oppositions communiste et gaulliste, a amené la création de la Ve, celle-ci n’en demeure pas moins une république parlementaire. Le gouvernement est responsable devant le parlement et peut être renversé par une motion de censure comme en 1962 (cela a failli arriver en 2023). C’est le mode de scrutin majoritaire à deux tours qui a donné un système bipartisan avec des députés plus ou moins « godillots » au service du président de la République, élu au suffrage universel depuis 1962. Ce système bipartisan a éclaté en 2017 et a donné une assemblée sans majorité absolue en 2022 et 2024. Rien de nouveau car tous les pays d’Europe connaissent des coalitions, avec plus ou moins de bonheur, et la France a connu par le passé ce type d’expériences. Pour sortir de la crise actuelle, des compromis seront nécessaires et non l’application maximaliste de programmes plus ou moins irréalistes : bon courage mesdames et messieurs les députés. Notons que le développement du pouvoir d’investigation et de contrôle du parlement va dans le bon sens (et c’est peut-être grâce au Sénat, pas aussi inutile que certains le croient).
Et Benjamin Morel a réalisé un bon ouvrage de synthèse.
Sylvain Bonnet
Benjamin Morel, Le Parlement, temple de la République, Passés composés, juillet 2024, 384 pages, 23 euros