Histoire de la nation française, ce “cher et vieux pays”
Auteur de Laïcité, un principe (Passés composés, 2022), d’une Histoire des impôts (Passés composés, 2023) en collaboration Jean-Luc Bordron et, avant cela, d’une biographie de Napoléon III (Tallandier, 2008) qui a fait date, Éric Anceau s’est imposé comme un des meilleurs historiens actuels, spécialiste de l’histoire politique et sociale de la France. Et il vient de publier une Histoire de la nation française chez Tallandier qui va faire date.
La nation, ce mot qui fait peur

Quand on a en tête ce que certaines figures comme Philippe Séguin ou Jean-Pierre Chevènement ont dû endurer pour avoir voulu défendre une certaine conception de la nation face aux militants de l’Europe fédérale et aux post-modernistes, cet essai nous montre qu’on revient de loin. Avec brio, Éric Anceau reprend le dossier de nos origines car la France n’était pas évidente. C’est à l’origine une construction des rois capétiens qui se sont imposés dans un royaume morcelé où leur autorité n’est respectée que dans une partie de l’île de France actuelle. Ce qui n’empêche pas que les français se sont cherchés des ancêtres, souvent gaulois et parfois francs (après tout le mot « France » dérive d’eux). Agglomérat de peuples disparates aux langues différentes, la nation française a connu une lente gestation, marquée par le conflit avec les anglais lors de la guerre de cent ans, les guerres de religion et bien sûr la Révolution. C’est là que naît l’idée de nation politique mais la nation « France » n’est pas encore faite…
Une construction toujours fragile
« Vote de tous les jours », pour paraphraser Renan, façonnée par des habitudes, par la langue française et par son apprentissage à l’école, par le service militaire, fortifiée par les épreuves traversées (songeons aux deux guerres mondiales), la nation française existe et fait face à des défis. La construction européenne a fragilisé l’Etat français, son moule initial, et les vagues récentes d’immigration ont mis à l’épreuve la conception nationale française : contrairement à la nation allemande, la France n’est pas une ethnie mais comment intégrer tout le monde et au nom de quelles valeurs ? Reste que la nation existe toujours, qu’elle intègre et assimile aussi (mais moins bien qu’avant). On est d’accord avec Éric Anceau dans sa conclusion : si la France veut exister, elle doit refaire de la politique au sens noble du terme.
Ouvrage magistral.
Sylvain Bonnet
Éric Anceau, Histoire de la nation française, Tallandier, février 2025, 528 pages, 24,50 euros