Au plus près du peuple

Un historien du politique et des pratiques culturelles

Professeur des universités à Rouen, Rémi Dalisson est spécialisé dans l’histoire culturelle, plus particulièrement dans l’analyse de la pratique festive. On lui doit ainsi Les fêtes du Maréchal (CNRS, 2008) et plus récemment La guerre d’Algérie, l’impossible commémoration (Armand Colin, 2018), ouvrage d’une brûlante actualité. Il se penche ici sur la pratique des voyages en province entrepris par Napoléon III.

Un Empereur en province

De 1848 (année de son élection comme président de la République) et 1870, Napoléon III sillonne la France (et aussi l’Algérie), visite villes et villages, remet des médailles et des secours aux indigents. Son but est simple : établir un contact direct entre lui et le peuple afin d’asseoir son pouvoir, dans une démarche que l’on qualifierait aujourd’hui de populiste. Et pourquoi pas d’ailleurs ? Certaines analogies sont frappantes mais il convient de rappeler que le populisme, historiquement, apparaît dans le monde occidental une quinzaine d’années après la chute du second Empire.

Napoléon III reprend en fait une pratique de son oncle, qui visitait aussi beaucoup son empire. Toutes ces visites sont préparées par l’administration préfectorale, éliminant au maximum les manifestations d’opposants. Car ensuite la presse doit rendre compte de ses voyages dans un sens disons largement positif.

Une communication promise à un grand avenir

On ne soulignera jamais assez combien Napoléon III, déconsidéré par Sedan, fut un dirigeant original et novateur. Sa communication politique via ses voyages en province sont repris comme le montre Rémi Dalisson à la fin de son ouvrage par Mac Mahon, président de la République entre 1873 et 1879, le général Boulanger… mais aussi par nombre de présidents bien républicains comme Sadi Carnot. Sous Vichy, Philippe Pétain s’inscrira aussi dans cette démarche, sous le regard de l’occupant. Le général de Gaulle, à bien des égards héritier du bonapartisme, reprendra cette pratique, suivi ensuite par l’ensemble de ses successeurs. Car le peuple de France, peut-être jamais remis de la décapitation de Louis XVI, aime entretenir ce type de lien avec ses dirigeants (quitte à manifester ensuite). Un ouvrage éclairant.

Sylvain Bonnet

Rémi Dalisson, Au plus près du peuple, Vendémiaire, mars 2022, 340 pages, 24 euros

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