Foch, l’organisateur de la victoire de 1918
Un historien militaire
On connaît Jean-Christophe Notin comme auteur de biographies de grands chefs militaires : ses travaux sur les figures de Leclerc (Perrin, 2005) ou du Maréchal Juin (Tallandier, 2015) de celle du maréchal Leclerc (Perrin, 2005) font autorité. On lui doit aussi deux récits très documentés sur la participation française aux campagnes militaires menés par les alliés à l’ouest : La Campagne d’Italie, Les victoires oubliées de la France (Perrin, 2002) et Les Vaincus seront les vainqueurs, la France en Allemagne (Perrin, 2004). Sa biographie du maréchal Foch date de 2008 et a bénéficié d’une réédition en cette période de centenaire de la Grande guerre.
Un enfant de la Revanche
Tout d’abord une mise au point : la figure de Foch, très célébrée en son temps, a été éclipsée par celle de Pétain puis est tombé progressivement dans l’oubli au fur et à mesure que disparaissaient les derniers survivants de la Grande Guerre. Jean-Chistophe Notin retrace avec talent l’itinéraire de cet enfant de Tarbes, fils de fonctionnaire, au potentiel plein de promesses. Il est envoyé à Metz au collège Saint-Clément, tenu par les jésuites et assiste médusé à la débâcle française de l’été 70 avant d’être renvoyé à Paris. Le jeune Foch s’engage mais la paix est signée avant qu’il ne participe aux combats. Il réussit cependant le concours de l’X et devient un soldat.
Un adepte de l’offensive à outrance
Jeune officier, Ferdinand Foch se fait remarquer par ses qualités intellectuelles, se fait breveter puis devient enseignant. Il devient le théoricien de l’attaque décisive et enseigne bientôt aux jeunes officiers. Pour autant, ses idées sont en retard d’une guerre :
La théorie de l’offensive de Foch est condamnée d’emblée par les progrès techniques : masser des forces supérieures en nombre en un point ne sert à rien si en face la défense est moderne — les lacunes, en effet, sont très largement compensées par les avantages en armement. »
Foch voit cependant sa carrière piétiner. En cause son caractère et peut-être aussi son catholicisme affiché, mal vu d’une république laïque entreprenant au début du 20e siècle la séparation de l’église et de l’Etat. Affecté dans le Morbihan, son régiment participe au crochetage d’un monastère. Soldat discipliné, Foch obéit.
Et vint la guerre
En 1914, le futur maréchal, déjà âgé de soixante-deux ans, se retrouve à la tête du 20e corps d’armée, près de Nancy. Et il échoue vite, sauvé par Castelnau et des erreurs allemandes. Désormais flanqué de Weygand comme chef d’état-major, il participe à la bataille de la Marne et à la course à la mer. Protégé à l’époque par Joffre, Foch passe pour un des meilleurs généraux français. Responsable d’opérations mal conduites en 1915, il s’adapte en tout cas, intègre les progrès technologiques dans la puissance de feu. Surtout, il démontre sa capacité à maintenir le dialogue avec les alliés britanniques (moins avec les belges) et noue des relations de confiance avec les généraux French et Wilson. S’il est écarté fin 1916 de tout commandement, il retrouve de l’influence l’année suivante l’année suivante, en partie grâce à Clemenceau, et contribue à rétablir la situation en Italie après Caporetto. Foch a aussi une grande qualité : la volonté. C’est un battant qui a de l’énergie à revendre.
Commandant en chef des forces alliées
1918 sera son année de gloire. Poussé par Clemenceau, finalement soutenu par Lloyd George, il réussit à imposer un commandement unique allié contre l’avis de Pétain et Haig, constitue une réserve de troupes qui sert à colmater les brèches causées par les offensives allemandes. Surtout, il réussit à maintenir l’alliance. C’est son plus grand titre de gloire, Foch jouant ici le rôle d’Eisenhower en 1943-45. Mauvais tacticien, stratège pas toujours heureux, il incarne cependant la coalition, qui se délite peu à peu dès la signature de l’armistice. Foch échouera à convaincre les responsables politiques de la nécessité de détacher la rive gauche du Rhin de l’Allemagne : il vouera d’ailleurs à Clemenceau une haine éternelle, illustrée par ses propos repris dans Le Mémorial de Foch.
Reste une figure singulière à qui il convient de redonner sa place dans l’histoire de France. Cette biographie y aide.
Sylvain Bonnet
Jean-Christophe Notin, Foch, Perrin, octobre 2018, 284 pages, 27 eur