Le banquet des soudards, Bernard Lugan ou la liberté cynique

Bernard Lugan s’est sûrement bien amusé à composer ce Banquet des Soudards, petit conte bien moins philosophique qu’un Banquet plus célèbre, mais sans doute plus fantaisiste. Spécialiste reconnu de l’Afrique, ses ouvrages sur ce continent se comptent par dizaines. Mais avec ce nouveau livre, bien loin du Rwanda ou des Berbères, nous plongeons au cœur de la mythologie grecque, et ce doux mélange de Platon et d’Homère nous fait plaisamment remonté aux plus belles pages de l’Antiquité. 

Quelques rares élus

L’auteur a, en effet, imaginé de convier à un grand banquet servi sur l’Olympe, en présence de Zeus, les pires soudards que l’Histoire ait connus, criminels de haut vol, empaleurs en série, bouchers, violeurs, et trucideurs, auprès desquels Amin Dada et Pol Pot font figure de stagiaires. Car l’Histoire abonde, sur tous les continents, de ces effroyables tortionnaires, assoiffés de sang, inventeurs de supplices raffinés.

Seulement voilà : leur nombre est si grand, que pour rester dans une limite de convives raisonnables, il faut trier, c’est-à-dire comparer les mérites des impétrants, et ne retenir que les plus effroyables. La description de ces odieux personnages, sous la plume acérée de Bernard Lugan, nous sert un dîner de têtes irrésistible, tant la liste est longue de leurs plus sordides forfaits. Et drôle, la manière de les raconter. 

Des goûts de Zeus

Du coup, Zeus hésite à recevoir à sa table des gens pourtant renommés, mais qui n’aurait pas le profil idéal du condottière massacreur, avec génocide et cannibalisme à la clef. Pizarre, qui s’y connait, donne son avis, et Agrippa d’Aubigné, en poète huguenot, proteste et propose un fervent catholique. Chacun avance le candidat de son choix, les habitants de l’Olympe sont également consultés. Mais Zeus est difficile, il veut vraiment de l’horrible, du surhumain, du pas racontable. Vont-ils lui trouver ?

Les amateurs de divinités antiques, les copains de Poséidon et les amoureux d’Aphrodite, vont se régaler avec ce Banquet des Soudards, au cynisme bien tempéré. D’autres, plus férus d’histoires humaines, trouveront dans la narration de quelques hauts faits de grande cruauté, matière à enrichir leur savoir. Pour d’autres, enfin, moins avancés dans ces diverses connaissances, il restera à saluer l’originalité du bouquin, et le talent de l’auteur, qui ne sont pas minces. En ces temps frappés de sinistrose confinée, quelques sourires sont toujours bons à prendre. 

Didier Ters

Bernard Lugan, Le Banquet des Soudards, La Nouvelle librairie, août 2020, 120 pages, 11,90 eur

Laisser un commentaire